Les Chroniques de l'Imaginaire

La boîte noire - Oz, Amos

Après son difficile divorce d'avec Alec Gidéon, Ilana s'est remariée avec le doux Michel Sommo, dont elle a eu récemment une fille, Yifat. Mais de ce premier mariage demeure un fils, Boaz, que l'adolescence transforme en voyou insultant. Aussi Ilana ne voit-elle pas d'autre solution que de reprendre contact avec Alec pour qu'il aide Boaz, en envoyant de l'argent ou en faisant jouer ses relations pour trouver par exemple une place à l'Ecole Navale pour l'enfant qui ne supporte plus l'école d'agriculture, dont il est renvoyé de toute façon, et où il avait exigé d'entrer deux ans plus tôt.
Alec n'hésite pas à accepter et peu à peu, cahin-caha, une correspondance s'instaure entre les deux ex-époux, correspondance dans laquelle s'invitent Manfred, l'avocat d'Alec, Michel, le second mari d'Ilana, Boaz...

Le roman épistolaire doit impérativement être bien écrit, sous peine de susciter l'ennui immanquablement. C'est heureusement le cas ici, avec ces ruptures de rythme bienvenues que constituent les télégrammes entre Manfred et Alec, ou les rapports des détectives privés. Par ailleurs, les personnages sont très caractérisés, et l'auteur les a habilement dotés de styles littéraires différents et très reconnaissables, des citations bibliques du pieux Michel à l'orthographe fantaisiste de Boaz, en passant par la précision rigoureuse d'Alec.

Roman d'une fin de vie, de l'impossibilité de l'amour, cette histoire touchante est tout cela. Le personnage d'Alec, comme, d'une façon différente, celui d'Ilana, d'ailleurs, est incapable d'aimer, et incapable aussi de cesser d'aimer, tout en rigueur et en cérébralité face à l'animalité de sa charnelle épouse.

Il est aussi intéressant de voir le rapport différent que les personnages ont avec leur pays : Ilana semble n'y accorder aucune pensée, Alec, qui y est né et qui s'est battu pour lui, n'y revient que pour mourir après s'en être absenté pendant des années, Michel veut l'agrandir, et Boaz semble aussi indifférent que sa mère, alors qu'il a passé une partie de son enfance dans le kibboutz où vit encore sa tante... Cette diversité de points de vue m'a donné envie d'en savoir plus sur les réalités israéliennes d'aujourd'hui.

Indépendamment de cet aspect plutôt sociologique, ce roman au style parfait, servi par la superbe traduction de Sylvie Cohen, méritait bien le Prix Fémina étranger qui lui a été décerné en 1988.