Nous démarrons en Transylvanie, en 1476... Ces terres sont bien connues pour y abriter un certain Dracula, également connu sous le nom de Vlad Dracula Tepes. Son règne se termine en décembre de cette année là, où il finit purement et simplement décapité par un certain Selim Bey, sous les yeux de sa favorite. Radu, le frère de Vlad, ne peut croire à une mort aussi facile, et ne cesse d'appeler son frère. Selim Bey, de son côté, viole la favorite de Vlad Tepes : il ne sera jamais plus le même homme à partir de ce moment, même si l'étreinte semble mortelle à la favorite.
Radu, de son côté, est jeté aux cachots, avec les rats pour seule compagnie. Le sultan a été tué par Selim Bey après que ce dernier, guerrier pourtant loyal, a achevé son maître. Radu se meurt ainsi, lentement, très lentement, jusqu'à ce qu'un rat finisse par se repaitre de son sang.
Et c'est bien par le sang que les deux frères vont survivre et se chercher maintenant au travers des siècles : tandis que Radu est réincarné dans un premier temps chez un rat, puis plusieurs, Vald connaît un bien meilleur sort, en se retrouvant tour à tour dans la peau d'un riche espagnol fait esclave de Selim Bey, puis dans celle de Gabriella de la Fuente, sa propre fille. Aujourd'hui, Gabriella a une santé de fer : elle est à bord d'un vaisseau en route pour le nouveau continent, tandis que nous sommes en 1521...
Nous sautons les siècles, pour être en Russie, en 1812. Vlad se retrouve dans la peau d'un soldat napoléonien, qui assiste à la déroute française. L'homme dit être vieux, très vieux, bien qu'il soit assez jeune et en pleine santé physique. Il dispose d'un grand charisme, et est respecté par ses hommes... Néanmoins, il perçoit maintenant la présence de Radu, et avec quelques hommes, il se décide à déserter pour partir vers les montagnes de Valachie, afin d'y retrouver le trésor de Vlad Tepes...
Enfin, nous voilà en 1887, dans l'Angleterre victorienne. Lord Cavendish, un homme immensément riche, a fait son testament : il lègue toute sa fortune à un avocat raté du nom de Victor Douglas Thorpe. Thorpe lui même est le premier surpris, et il apprend qu'une chose toute bête à retenu l'attention de Cavendish : ses initiales...
Voilà pour ce premier tome de la préquelle de la série mère Je suis Légion, parue entre 2004 et 2007 chez Les Humanoïdes Associés. Ce premier tome a avant toute chose le mérite de faire voyager le lecteur, au rythme des réincarnations de Vlad Tepes et de Radu, son frère, simplement via le contact avec le sang et la prise de contrôle des hôtes qui sont ainsi pris pour une durée plus ou moins longue...
Le voyage se fait également en fonction des dessinateurs, auxquels sont confiées les différentes étapes et époques traversées. Ainsi, c'est le français Mathieu Lauffray qui ouvre le bal, avec la fin de Vlad Tepes en Transylvanie. L'italien Mario Alberti a la charge de la traversée en bateau vers le nouveau monde, avec les réincarnations espagnoles de Tepes. C'est le chinois Zhang Xiaoyu (dessinateur des deux tomes de Crusades, parus chez Les Humanoïdes Associés) qui poursuit avec la défaite napoléonienne, et l'espagnol Tirso ferme le bal avec lAngleterre victorienne.
Une telle profusion de dessinateurs qui doivent communiquer durant le travail sur les planches peut rapidement faire peur. Pourtant, on ne peut que constater que l'ensemble des auteurs réussit à faire ressortir la froideur et l'ambiance si particulière qu'a sans doute voulu faire ressortir Fabien Nury, l'auteur de l'excellent Il était une fois en France. Cette ambiance glauque et sombre est toujours là, et on ne peut que s'attacher avec effroi à la poursuite que se lancent à distance les deux frères que l'on retrouvera bien plus tard dans Je suis légion.
Il est évident que cette préquelle n'aurait jamais vu le jour, encore moins avec un tel banc de dessinateurs, si Je suis Légion était une série qui n'avait pas fonctionné en son temps. Nous ne pouvons que constater que la qualité est totalement au rendez-vous, et qu'elle sera sans doute incontournable pour les nombreux aficionados de la série mère.