Les Chroniques de l'Imaginaire

La faute aux chinois - Ducoudray, Aurélien & Ravard, François

"Ma petite entreprise..." ne connait pas encore la crise. Louis Meunier est ouvrier dans une usine d'équarissage. Tout roule plutôt bien pour lui, même si la fierté d'appartenir au monde ouvrier n'est plus ce qu'elle était. Il rencontre Suzanne, qui est secrétaire dans la même usine. C'est le coup de foudre ! S'ensuivent le mariage et évidemment, le bébé. Malheureusement Pauline est née prématurément. Sa santé est fragile, elle refuse de se nourrir et passe beaucoup de temps à l'hôpital. Pour couvrir les frais, Louis enchaîne les heures supplémentaires. Jusqu'à ce que Jean-Claude, le frère ultra protecteur et envahissant de Suzanne, lui propose de tremper dans ses affaires louches. Louis tuait des poulets, maintenant il tuera aussi des hommes, c'est plus lucratif.

La faute aux chinois, c'est une histoire à cheval entre la critique sociale de Coluche et l'humour noir de Desproges. On assiste aux mauvais côtés de la mondialiation et du capitalisme, avec la délocalisation, le chômage technique, les grèves... Les auteurs soulignent aussi le glissement d'un monde ouvrier communautariste et solidaire à un comportement plus individualiste, sans porter de jugement à leur encontre. Mais le fait est qu'il en faut toujours plus désormais. Les problèmes d'argent viennent s'interposer entre Suzanne et Louis, alors que s'ils doivent faire des sacrifices c'est pour le bien de Pauline. Les tons bruns, presque sépia, choisis par François Ravard ajoutent véritablement à l'ambiance morose de l'ouvrage, bien que le début commence sur un ton plus enjoué. Mais au fur et à mesure, l'histoire devient sinistre, cynique, avec les problèmes de couples, les soucis à l'usine, et le détachement avec lequel Louis accomplit ses basses oeuvres. Au plus on avance, au plus la bande-dessinée prend la tournure d'un film noir des années 70.

C'est une oeuvre très riche, dans laquelle les évènements se succèdent plus ou moins vite et qui nous étonne de plus en plus à mesure qu'on progresse dans l'histoire. Le personnage de Louis est très attachant, lui qui n'a pas un mauvais fond du tout et ne veut que le bonheur de sa fille. Tous les sujets abordés sont très bien traités, et en profondeur, que ce soit le monde ouvrier, les relations familiales ou le milieu des truands. Quant au titre, je vous laisse le plaisir de découvrir la scène dans laquelle apparait cette expression, c'est d'une ironie fracassante.