Les Chroniques de l'Imaginaire

Pour la gloire du diable (L'oeil des dobermans - 1) - Cothias, Patrick & Ordas, Patrice & Zanat, Beb

Nous sommes en 1918, à Werwicq, dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale. Un caporal est en pleine lutte pour survivre, non contre des soldats ennemis ou en fuyant des balles, mais en essayant de se hisser en dehors de l'énorme trou formé par un obus : un trou plein de boue qui attire le caporal inexorablement vers le fond mortel. Une mort atroce... L'homme en question se fait bientôt aider par un soldat non gradé appelé Arno Ixks. Un homme non violent qui accepte les plus basses besognes pour fuir les combats. Le couard parvient pourtant à sauver ce caporal, un gradé solitaire nommé Adolf Hitler...

Vingt ans ont passé : l'Allemagne a annexé l'Autriche, au prétexte que les autrichiens parlent allemand. Pour les SS, Hitler a tout simplement accordé son regard bienveillant à l'Autriche. Maintenant, à Vienne, le führer dort dans le palais de Sissi. Il sait que Ixks habite cette ville, et il le convoque pour lui parler... Arno Ixks est devenu un archéologue célèbre dans sa profession. Il fait partie de l'intelligence autrichienne, et a des amis et des élèves juifs.

L'entretien avec le chef du Reich est pénible pour les deux hommes. D'abord parce que Ixks se permet de dire des choses que seul l'ancien sauveur peut dire. Ensuite parce que Hitler s'est mis en tête, aidé en cela par ses proches collaborateurs (Göring, Himmler et Goebbels en tête), de mettre à jour les vestiges des premiers aryens, venus du ciel il y a maintenant plusieurs dizaines de milliers d'années. Hitler souhaite légitimer ses actes en prouvant que les allemands sont les descendants modernes les plus proches de cette civilisation parfaite. De quoi rendre fou Ixks, qui ne peut qu'accepter, à cause des méthodes des SS...

Nous voilà ici plongés dans un récit mêlant action et machination politique, sur fond de guerres et d'ésotérisme. Un pari osé, certes, mais qui tient là nombre de promesses... Tout d'abord, le dessin de Beb Zanat est détaillé, précis, tant dans les expressions des personnages que dans l'architecture des bâtiments de Vienne. Mention spéciale également pour les costumes des allemands notamment, qui ont fait l'objet d'un grand travail de recherches. Ce travail porte ses fruits, en apportant notamment un côté réaliste toujours bon à prendre pour rendre un récit plausible, notamment lorsqu'il est ésotérique...

Ainsi, les couleurs de Cyril Saint-Blancat sont bien choisies, souvent froides, collant parfaitement à l'ambiance et au scénario imaginé par Patrick Cothias et Patrice Ordas. Nous n'en sommes évidemment pas à la première série qui met en scène Hitler. Celles qui le font et qui font preuve d'originalité ne sont pourtant pas légion (on pourrait citer Sept psychopathes, le premier tome de la série Sept chez Delcourt, par exemple). Ici, nous découvrons ce personnage avec un côté faible de lui en réelle difficulté durant la grande guerre.

Ainsi, il est intéressant de voir comment Hitler peut supporter les fanfaronnades de l'homme qui lui a sauvé la vie il y a deux décennies. Pourtant, Ixks ne sera pas tout à fait épargné : il devra être envoyé au Tibet pour y découvrir des preuves sur l'existence des aryens originels, après avoir subi des épreuves physiques, et avoir vu le durcissement des jeunes soldats SS... De quoi changer la vie d'un homme, évidemment : un homme qui va devoir ruser pour pouvoir arriver au Tibet.

En résumé, un très bon premier tome bien soigné, qui met efficacement l'eau à la bouche : de façon traditionnelle, on ne pourra que se dire que vivement la suite...