Les Chroniques de l'Imaginaire

Reservoir dogs

Dans un restaurant, Joe Cabot, son fils Eddie, M. White, M. Orange, M. Blonde, M. Pink, M Brown et M. Blue discutent. M. Brown a toute une théorie sur pourquoi le titre Like a virgin de Madonna s'appelle comme ça. Ensuite, M. White confisque le carnet que Joe Cabot compulse depuis plusieurs minutes parce que les questions sans réponses qui en découlent l'exaspèrent. Quand le moment est venu de régler la note, Joe se lève pour payer en disant que le bourliche est pour les autres de la table. Tout le monde sort un dollar, sauf M. Pink qui ne croit pas aux bourliches. Finalement, poussé par Joe, il va être obligé d'allonger le billet, à contrecœur. Puis les hommes quittent le restaurant.

Ce groupe hétéroclite est en fait réuni pour une seule chose : braquer un diamantaire. Joe a réuni tout le monde et va tout superviser, avec le concours d'Eddie. Les autres ne se connaissent pas et doivent porter des surnoms pour surtout ne rien connaitre les uns des autres. Mais le braquage va mal tourner. M. Orange va se prendre une balle dans le ventre et va être amené à la planque par M. White. Les rejoint rapidement M. Pink. Lui et M. White sont en colère contre M. Blonde qui s'est mis à tirer dans le tas. Mais pire, ils sont persuadés qu'il y a un mouchard dans leurs rangs. C'est obligé, sinon les flics ne seraient pas intervenus aussi rapidement après le déclenchement de l'alarme.

Entre M. Orange qui pisse le sang et les autres qui commencent à stresser, il ne manquerait plus qu'un autre évènement mette le feu au poudre. L'arrivée de M. Blonde risque de ne pas arranger les choses.

Reservoir dogs est le premier film de Quentin Tarantino. À l'époque totalement inconnu, ce réalisateur est devenu depuis lors un monument du cinéma. Possédant une culture cinématographique délirante et variée, il se plait à rendre de nombreux hommages dans ses films. Là, c'est au film de gangsters qu'il s'attaque. Avec de petits moyens, il va réussir à faire quelque chose de grandiose. Cela est dû à sa manière de filmer, sa manière de raconter des histoires, mais aussi aux acteurs magistraux qui jouent dedans.

Sa manière de filmer, tout d'abord. Prenons la scène d'ouverture dans le restaurant et cette caméra tournoyante. On n'a pas tous les jours l'habitude de voir ça. Surtout à l'époque. Mais sa manière de raconter des histoires fera encore plus, je pense, pour garantir son succès. L'histoire n'est jamais linéaire. On saute du passé au présent, pour revenir à un autre moment du passé, sans jamais que le spectateur ne soit perdu. Du coup, on apprend les choses petit à petit. Avec Tarantino, il faut apprendre la patience. Toujours. La preuve en est de ses dialogues ciselés qui partent souvent dans tous les sens. Un peu comme les discours que l'on pourrait avoir avec ses amis un samedi soir autour d'une table. C'est authentique. C'est vrai. Ça sonne pas le truc millimétré. Bien sûr que c'est aussi millimétré, certainement bien plus d'ailleurs, mais là on entre dans des dialogues jouissifs, comme celui de la scène du restaurant, ou encore dans cette aparté absolument géniale où M. Orange explique son histoire dans les chiottes avec les policiers. Et puis, il va y avoir aussi une autre facette de la marque Tarantino : la violence. La violence physique tout d'abord, ultra réaliste. Pas de chichis. Les balles font pisser le sang ici. Et puis la violence verbale. C'est agressif, vulgaire, volontairement sexiste et raciste (notons quand même que Tarantino a fait jouer plusieurs fois des acteurs comme Samuel L. Jackson, donc on peut douter de son côté raciste… sinon, il n'aurait certainement pas rendu hommage au cinéma black des années 70 dans Jacky Brown). Tout est là pour interpeller, choquer, blesser, mais que personne ne reste insensible à l'approche du cinéaste. Il semble d'ailleurs avoir eu raison, vu le parcours qu'on lui connait aujourd'hui.

Enfin, je parlais aussi de la performance des acteurs. Parce que la distribution est quand même énorme. Mais je donnerai une mention spéciale à Michael Madsen pour son rôle de M. Blonde. La scène de torture est tout simplement énorme. Mais les autres n'ont pas grand-chose à lui envier. Steve Buscemi est très bon lui aussi. Une telle brochette d'acteurs, ça se savoure.

Dérangeant, amusant, perturbant, Reservoir dogs est tout ça. C'est une expérience unique qui nous permet de rentrer de manière grandiose dans le monde dérangé de ce réalisateur décalé et génial. C'est un film fait pour les fans de son style. C'est un film fait pour ceux qui aiment les films de gangsters. C'est un film fait pour ceux qui veulent voir autre chose. C'est un film à voir et à revoir et à revoir encore.