Il est minuit dans le village des Schtroumpfs et tout est calme. Seul le Grand Schtroumpf veille encore et prépare une potion dont il a le secret. Mais voilà, il lui faut ajouter de l'euphorbe et son pot est vide. Il tente bien de remplacer l'ingrédient par de l'ellébore, mais la potion lui explose au visage. C'est bien de l'euphorbe qu'il lui faut. Il va donc laisser le village sans surveillance pendant quelques jours, faisant confiance aux autres Schtroumpfs pour cela. Mais dès le départ du Grand Schtroumpf se pose la question de qui va le remplacer pour commander le village. Bien sûr, le Schtroumpf à lunettes pense qu'il est le mieux placé pour cela parce que le Grand Schtroumpf lui fait confiance (ou du moins il le croit). Mais personne ne semble vouloir le suivre. Chacun y va alors de son argument pour expliquer pourquoi c'est lui qui devrait être le chef. Des élections sont alors organisée et tout le monde vote pour lui. Il va falloir trouver une autre solution pour déterminer qui remplacera le Grand Schtroumpf. C'est alors qu'un Schtroumpf va commencer à faire campagne, sans trop le faire exprès au début, et promettre beaucoup de choses à beaucoup de monde. Il faut se dépêcher avant les nouvelles élections prévues rapidement.
Quel lecteur des Schtroumpfs n'a pas lu Le Schtroumpfissime dans sa jeunesse ? Avec Le Cosmoschtroumpf, je crois que c'est l'histoire que j'ai le plus lue des lutins bleus. Deuxième album à sortir (rappelons qu'à l'époque, les histoires des Schtroumpfs étaient publiées dans le Journal de Spirou de manière périodique), il va montrer tout le talent de Peyo, s'il était encore besoin de le prouver (rappelons aussi qu'il avait commencé avec Johan et Pirlouit dans lequel les Schtroumpfs firent leur première apparition). On peut considérer que Le Schtroumpfissime n'est qu'un album pour enfant, mais ce serait le réduire à sa plus simple expression. En effet, c'est aussi une critique assez poussée du pouvoir, du fait qu'il corrompt les personnes et des effets pervers de la politique en général. Tout ce côté militant et rebelle de l'histoire ne vient pas de Peyo, bourgeois assez rangé, mais de son ami Yvan Delporte, rédacteur en chef du Journal de Spirou à l'époque. En effet, il a grandement participé à l'élaboration des scénarios des séries qui paraissaient dans le journal à l'époque, les Schtroumpfs notamment. Mais il n'était pas ouvertement crédité. Or, Yvan Delporte était un anarchiste dans l'âme et insuffla donc un vent de révolte dans les Schtroumpfs. Un vent bienfaiteur.
Mais pourquoi rééditer Le Schtroumpfissime aujourd'hui ? Les éditions Dupuis ont eu la bonne idée de rééditer l'histoire, certes, mais agrémentée d'explications et analyses de Hugues Dayez, spécialiste de Peyo. Une page sur deux, vous aurez donc l'histoire et en face d'elle, une page consacrée à une étude du contexte, des influences, de la technique graphique bref, de quoi éclaircir nombre de points que les lecteurs d'aujourd'hui, et même ceux d'hier, ne connaissent pas forcément. Il ne faut pas oublier non plus que la bande dessinée, à cette époque, n'était pas encore considérée comme le neuvième art. Malgré un succès populaire, les gens bien pensants la considérait comme un passe-temps, sans plus. Heureusement que des artistes comme Peyo, Franquin et autres Morris ont été là pour démontrer que c'était bien plus que ça. Et si nous, lecteurs, pouvons aujourd'hui lire autant de bandes dessinées de qualité, c'est parce qu'ils ont ouvert une voie pour les futurs artistes.
J'ai pris un grand plaisir à redécouvrir avec mes yeux d'adulte Le Schtroumpfissime. Mais j'ai pris aussi un très grand plaisir à lire les anecdotes, explications et autres comparaisons de Hugues Dayez. Si vous voulez acquérir une édition de Le Schtroumpfissime, outre une édition originale, je vous conseille fortement de vous pencher sur celle-ci.