Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 179)

J'aime vraiment beaucoup pouvoir dire que les numéros de Solaris se suivent et se ressemblent, quand c'est sur le plan de la qualité, et cette livraison ne déchoit pas par rapport à la précédente. J'ai par ailleurs été ravie d'y apprendre que la belle nouvelle Pour l'honneur d'un Nohaum, de Philippe-Aubert Côté (que j'avais lue avec plaisir dans Solaris 176) a remporté le prix Aurora/Boréal de la meilleure nouvelle. On y trouve :

La pire histoire, de Frédéric Raymond : Sarah ne supporte pas que sa vie soit brêve et inutile, et Jeffrey a toujours fait tout ce qu'elle voulait... Une belle histoire sur la persistance du souvenir, avec une petite touche de fantastique.

Envol, d'Elisabeth Vonarburg : Alors qu'il vient de réaliser un rêve d'enfant, un cosmonaute a un accident dans l'espace. Il est difficile de ne pas déflorer cette short-short, qui a eu le 1er prix du concours d'écriture sur place au Salon Boréal 2011, prix amplement mérité, puisque en une page l'auteure réussit à évoquer l'amour de la lumière, le désir de briller, l'inquiétude autant que le bonheur qui peut suivre l'accomplissement d'un rêve... Du grand art, incontestablement !

Ni hier. Ni aujourd'hui, de Pascale Raud : Son travail est de collecter les morts, humains ou oiseaux, dans la journée, cependant que le couvre-feu le cloître chez lui le soir. Un beau texte sur l'absurdité de la mort, dans une ambiance science-fictionnelle post-ap', qui mérite tout à fait son second prix du concours d'écriture sur place au Salon Boréal 2011.

Une bonne idée, de Pascale Raud : Ca ne peut pas lui arriver à lui ! Pourquoi cette monstrueuse créature a-t'elle choisi la ruelle où il soulageait un besoin pressant pour y avaler son cadavre ?! Voilà qu'il a des cauchemars à présent... Une excellente nouvelle, avec sa touche mi-fantastique mi-SF, et un humour à froid très plaisant.

Le scalpel, de Louis Auger : La mort inattendue de sa mère, à l'hôpital où elle subissait une intervention banale, bouleverse Anthony. Et puisque le scalpel qu'il a volé est magique, il peut découper le ciel pour le lui offrir... Une jolie nouvelle pétrie de fantastique sur le monde de l'enfance.

Tharsis, de Prune Mateo : En chômage technique sur Thépion, le narrateur part pour Tharsis, où les moeurs sont très différentes. Il mettra beaucoup de temps à comprendre l'utilité de la parole. Le thème de l'étranger qui ne comprend pas le sens particulier des conventions sociales est convenu, mais l'idée de la nouvelle est assez intéressante pour que j'ai été frustrée par son format court.

Mon journal pendant la drôle de crise 2, de Jean-Pierre Laigle : Contrairement à ce qu'il pensait, le narrateur sort vivant de l'hôpital, et reprend sa vie d'avant. Enfin, pas tout à fait, étant donné que son neveu, qui travaille pour le gouvernement, vient le voir plus souvent, ce qui a certaines conséquences inattendues. Cette nouvelle est la suite de celle publiée dans Solaris 177.

Scène de crime, d'Yves-Daniel Crouzet : En plein milieu d'un salon constellé de sang et de débris organiques, le lieutenant Verbeck prend imperturbablement des notes. C'est elle aussi qui remarque un livre ouvert resté immaculé au sol. Une nouvelle d'horreur très efficace !

Rêves de Vermilion : l'oeuvre intégrale de Bram Jameson, de Claude Lalumière est une étude bibliographique d'un auteur inexistant, mais très largement inspiré par J.G. Ballard. Nul doute que celui-ci aurait beaucoup apprécié cet exercice virtuose, dont la qualité de sérieux est indéniable. En tout cas, ce texte constitue une transition idéale entre les parties Fictions / Non-fiction de la revue, du fait qu'il appartient de plein droit aux deux.

Les Carnets du Futurible, de Mario Tessier, intitulé cette fois Les cinquante ans de SETI, ou le premier demi-siècle d'écoute de la galaxie, est comme d'habitude à la fois hyper-documenté et passionnant. A le lire, on en vient à penser que si SETI semble au fond d'un trou noir en France, la publication récente de Destination Ténèbres, de Frank M. Robinson (dont vous trouverez une critique intéressante, signée Jean-Pierre Laigle, sur le volet en ligne de Solaris), pourrait encourager les éditeurs à traduire ce qui ne l'a pas encore été dans le domaine de l'exploration spatiale à la recherche d'autres formes de vie.

Les Littéranautes signale avec bonheur les pistes prometteuses... et les impasses, cependant que le volet Lectures présent dans la revue, avec notamment la critique de Lavinia, le dernier roman de Le Guin, par E. Vonarburg, est comme toujours parfaitement passionnant. Tout comme l'est sa contrepartie exclusivement électronique, à ne pas manquer !

En somme, comme je le disais en préambule, une parution vraiment plaisante de la revue québécoise, dont j'ai en outre beaucoup aimé la belle couverture, entre SF et fantastique, signée Guy England.