Les Chroniques de l'Imaginaire

Alibis (Alibis - 39)

Très différentes les unes des autres, les nouvelles présentes dans ce recueil sont toutes pour le moins très bonnes, si elles sont aussi pour la plupart éloignées des schémas habituels du genre. A tout seigneur tout honneur, le bal s'ouvre par la gagnante du très mérité prix Alibis 2011 :

Trois coups l'annoncent, de Geneviève Blouin : Marie est envoyée par les services secrets canadiens pour épier Sean, lui-même agent secret d'un autre pays, mais ce jeu est dangereux. Cette nouvelle d'espionnage, très noire, est superbement écrite, l'auteure sachant à merveille doser le dit et le suggéré.

L'otage, de Geneviève Parent : Quand elle s'enfuit du camp, avec sa fille, l'amie de celle-ci, et le père de cette dernière, elle est brisée à l'intérieur. Est-il même possible de s'enfuir ? Avec cette nouvelle à la très belle écriture, nous sommes à nouveau très loin du polar au sens strict, mais personnellement je ne m'en plaindrai pas, vu la qualité de ce texte.

Tatouage, de Peter Sellers : On peut faire beaucoup de mal avec une aiguille de tatoueur. Encore faut-il ne pas se tromper de cible... Très belle nouvelle d'un auteur de grand talent, sur le personnage du justicier, et sur le risque des non-dit.

Du viol comme d'une solution au mal de vivre, de Pierre-Luc Lafrance : Elisabeth Marleau est morte, son fantasme de viol simulé ayant très mal supporté le passage à la réalité. Quant au violeur, il est en prison. Son avocat est néanmoins convaincu de son innocence, et arrive à en convaincre même Tom Brousseau, l'ex-flic devenu détective privé, qui le déteste. Ah ben voilà du polar classique ! Dans la catégorie "noir américain", avec ses personnages très typés, sauf en ce qui concerne la victime, et l'intrigue. Cela n'a rien d'un reproche, la nouvelle étant bonne, bien écrite et fort agréable à lire.

Dans son article très documenté sur les Crimes en terres étrangères, Norbert Spehner cite les auteurs qui situent leurs oeuvres dans un pays différent de celui où ils vivent. Apparaissent dans la "liste géographique" les oeuvres dont au moins un roman a été traduit en français, et dont le personnage central, qui doit être originaire du pays où se déroule l'action, apparaît dans au moins deux romans. On y trouve donc, très logiquement, Donna Léon, Américaine créatrice du vénitien commissaire Brunetti, Martin Cruz Smith, Américain "père" de l'inspecteur Arkady Renko soviétique, puis russe, etc. En revanche, Norbert Spehner en a éliminé certains, comme Elisabeth George, étant donné la proximité des cultures (américaine et anglaise dans ce cas). En tout cas, cette rubrique est une mine d'information et, à côté d'oeuvres que je fréquente, pour certaines depuis des années, m'a fait découvrir plusieurs pistes prometteuses (Zoe Ferraris, Philip Kerr...).

Enfin, la traditionnelle rubrique Dans la mire donne un bon nombre d'idées de lecture intéressantes, parmi lesquelles je retiens Momentum ou Le jaguar sur les toits. Quant à son équivalent électronique, Encore dans la mire, il me donne très envie de lire L'heure des loups ou Clandestino. Et à propos de la partie exclusivement virtuelle de la revue, ne manquez pas d'aller y découvrir Camera oscura, surtout si vous êtes cinéphile.