Nous sommes dans la deuxième moitié du XIXè siècle, à New York. Le quartier des Five Points va être le théâtre d'un affrontement entre les hommes de William Cutting, surnommé Bill le Boucher, des "natifs", et ceux du Père Vallon, principalement des irlandais. Les premiers ne supportent pas que les seconds arrivent en masse aux États-Unis et veulent protéger leur pays d'une invasion. Les seconds défendent leur droit à vivre en paix dans ce pays. Le camp qui remportera la victoire règnera en maître sur le quartier. Seulement, ce jour-là, Vallon se fait tuer par Bill, sous le regard de son fils, Amsterdam. Malgré leurs divergences, Bill avait beaucoup de respect pour Vallon et refuse que quiconque touche à sa dépouille pour qu'il puisse se présenter devant le Seigneur correctement. Il veut que son fils soit placé en institution pour recevoir une bonne éducation. Mais Amsterdam s'enfuit, emportant avec lui le couteau qui a tué son père.
Seize ans plus tard, tout juste sorti d'une maison de redressement, Amsterdam revient dans son quartier. Il a beaucoup de haine vis-à-vis de William Cutting mais, en le côtoyant, il va découvrir l'homme sous un autre jour. Du coup, il va devenir un proche collaborateur de celui-là même qu'il avait juré de faire payer le meurtre de son père. Même si Bill n'a pas reconnu en Amsterdam le fils de Vallon, ce n'est pas le cas de tout le monde.
Gangs of New York est une grande fresque qui retrace le parcours de deux hommes dans cette Amérique tout juste sortie de la guerre d'indépendance et qui est dans la guerre de sécession. Cela faisait des années et des années que Martin Scorsese voulait raconter cette histoire mais, faute de moyens, il avait dû ronger son os et patienter. C'est certainement une bonne chose puisque l'histoire qu'il raconte l'est fait d'une manière presque parfaite. Les prestations de Leonardo DiCaprio et de Daniel Day-Lewis n'y sont certainement pas pour rien. Le premier doit jouer la haine mêlée d'admiration pour un homme qu'il aimerait tuer et il le fait avec talent. Le second est un excellent acteur que l'on ne voit pas assez à mon goût. Il campe le personnage de Bill le Boucher avec beaucoup de justesse. On a parfois l'impression qu'il est à deux doigts d'en faire trop, mais c'est toujours tangent et cela donne une touche parfaite à ce personnage sordide.
Ce qui est intéressant, c'est de montrer des personnages qui ne sont ni tout noir ni tout blanc. On pourrait penser que Bill le Boucher est le "méchant" et Amsterdam Vallon le "gentil", mais ce n'est pas aussi simple. Chacun porte en lui une part d'ombre et une part de lumière. Et heureusement. Cela donne un film qui sort des sentiers d'un manichéisme trop souvent affiché dans les productions américaines. Comme le rythme n'est pas effréné, sans être pour autant mou, cela nous permet aussi de nous imprégner de ces deux hommes.
La ville de New York est aussi un élément important du film. On est encore loin du Manhattan qui est souvent présenté dans les films et les séries. Le quartier de Five Points est crasseux, dangereux et très vivant. Mais il y règne une sorte de vie propre, une osmose. Les gangs y pullulent, mais il y en a tellement que certaines scènes sont risibles, alors que c'est plutôt tragique.
Martin Scorsese signe ici une fresque magistrale. J'ai juste eu un regret à la fin puisque la bataille n'a pas du tout tourné comme je m'y attendais. Mais je préfère ne pas trop en dire pour ne pas vous gâcher votre plaisir.