Mort. Un village complètement décimé par une troupe de barbares. Seul rescapé, Soren, un petit garçon qui a bien du mal à comprendre ce qui lui arrive. Fort heureusement, il est secouru par un homme grand, un moine-guerrier du monastère de Maïpen, Daïsuke. Ne pouvant se résoudre à laisser un orphelin, le moine décide de l'emmener avec lui jusqu'au monastère, plus loin au sud. La communication n'est pas facile : Soren a perdu l'usage de la parole tant le choc de cette mort violente l'a heurté. Après quelques péripéties sur la route, l'équipée parvient à rejoindre cet immense édifice adossé à un pic rocheux. Mais pourquoi cette vieille paysanne l'a-t-elle qualifié d'Empereur des regrets ?
Sur place, Soren est confié au jardinier du monastère, Kwaïgo. En tant que roturier, il ne pouvait pas prétendre bénéficier de l'éducation des moines guerriers, comme les autres pensionnaires. Pourtant, avec toute la gentillesse du monde, Kwaïgo finit par redonner confiance en Soren, qui retrouve la parole. Au fil du temps, il se mêle avec les autres enfants lors de leurs sorties. Son travail d'apprenti-jardinier lui apprend de nombreuses choses sur son propre corps... il en est de même pour son mentor qui voit en lui un futur guerrier plus qu'un simple jardinier. Kwaïgo revêt donc sa tenue de cérémonie pour prier le grand-maître d'intégrer Soren au sein du monastère. Soren rêve depuis longtemps de devenir chevalier, sire Soren Dajymo... Mais une chose l'embête encore. Pourquoi n'a-t-il pas de pouvoir personnel, comme tous les autres habitants de l'empire d'Aposohir ?
Prenez une sorte de temple de Kaolin, grand lieu du kung-fu, ajoutez-y l'enseignement des moines guerriers, plus quelques armures, plus un soupçon d'aïkido (notamment le concept du "lâcher-prise", et vous aurez une image assez juste de Maïpen. Placez-le à présent dans un monde ressemblant à la Chine antique avec ses pillards des steppes au nord, et ses intrigues politiques autour du trône de Jade de l'autre, plus une once de magie et de merveilleux avec les arcanes et le Sang de la Terre et des autres éléments. Voilà les recettes d'un nouvel univers de fantasy signé José Raymond. Ce monde, Aeviris, a été développé dans sa dimension historique, à partir de sa genèse, puis par trois pays antiques fortement liés à l'art de la forge, avant de créer l'Empire qui nous intéresse, celui d'Aposphir. Les annexes donnent de nombreuses informations à ce sujet en fin de volume.
Dans ce premier opus, les lecteurs assistent à l'enfance de Soren, et à ses découvertes de la vie, puis à une énigme de type policière, avec des points de vue divers dans la deuxième partie du roman. Ce personnage principal à moitié enfant, à moitié assez réfléchi, apporte parfois des répliques grinçantes, humoristiques, ce qui donne des chapitres vivants et agréables à la lecture. On pourra cependant regretter quelques anachronismes, comme une connaissance "innée" de l'univers et des planètes par exemple. Je doute quand même que des paysans non-lecteurs (la chose est rare dans le pays, c'est confirmé par la suite) connaissent autant l'astronomie de leur monde, Aeviris (même si celle-ci est connue, comme l'explique un des appendice). Passons : un premier essai d'écriture ne peut être sans défaut après tout. On notera que les études scientifiques de l'auteur font que les descriptions sont fort détaillées, en particulier dans le domaine géologique, et que de nombreux adjectifs sont apparentés au langage lexical des sciences. Par exemple, Soren pourra ressentir toutes les fibres de son corps, une émotion électrique ou encore les entrailles dévorés comme de l'acide.
Néanmoins, ces petits travers ne m'ont pas particulièrement gênés, ils sont d'ailleurs plutôt rare au long de ces 428 pages de récit, et c'est plutôt avec une bonne surprise que j'ai achevé ce livre. Si José Raymond apprécie la littérature médiévale fantastique, et notamment Tolkien, j'apprécie que son monde n'en soit pas un ersatz, bien au contraire. L'auteur profite de son expérience pour ne pas copier ses prédécesseur, et donc former un univers personnel documenté, philosophé (on parle de concept qui oppose le wushan au développement de la technologie, et du sens de la mort), qui appelle à d'autres ouvrages. Le deuxième opus est d'ores et déjà en cours d'écriture d'après mes sources. Je souhaite donc à José Raymond de profiter de l'expérience de son premier roman pour aller encore plus loin, et peut-être gommer les quelques défauts qui subsistait (sans oublier le manque d'une carte du monde ! Un outil particulièrement pratique dans la lecture d'un monde de fantasy). En tout cas, je suivrai assurément les aventures de Soren Dajymo, car cet essai est assurément réussi !