Les Chroniques de l'Imaginaire

Rien ne nous survivra - Mazaurette, Maïa

C'est clair, les vieux empêchent les jeunes de vivre : non seulement ils prétendent leur farcir le crâne de choses inutiles destinées à préserver leur propre suprématie, mais les meilleurs (voire les seuls) boulots sont pour eux, et les plus beaux jeunes des deux sexes aussi. Solution : les tuer. Tous, en commençant par les siens. Tout être humain de plus de vingt cinq ans est un vieux, comprenez : une cible. Au moins rive gauche de la Seine. La rive droite est un territoire de chasse pour les jeunes, certes, mais un territoire dangereux, dont les vieux ont le contrôle. Au moins jusqu'à ce que l'Union Européenne intervienne, ce qui est prévu cent neuf jours après le début du roman.
Dans cette guerrilla, les snipers sont les dieux de ces jeunes qui ne veulent plus de modèles, et, parmi eux, Silence, le premier, proche des Théoriciens, le groupe d'origine. Silence qui a, littéralement, tué père et mère pour arriver là où il est. Silence dont personne ne connaît le visage. L'Immortel le vénère, l'envie, le hait, le veut.

L'idée de départ est vendeuse : attrayante pour les jeunes, effrayante pour les autres. Dommage que le roman ne soit pas tout à fait à la hauteur de l'idée. Les personnages, surtout les secondaires, sont peu caractérisés, même Vatican et Narcisse, pourtant importants. Il y a des incohérences pas vraiment compréhensibles dans le personnage de Silence, et surtout un "passage par la fantasy" ni expliqué ni justifié : le "don magique" (difficile de le désigner autrement !) de l'Immortel est totalement étranger au moment où se déroule le roman, qui est à peine une anticipation, et semble a priori ne servir que les besoins de l'auteure. En étant très gentil et imaginatif, on pourrait peut-être dire qu'il figure une sorte de lien parent-enfant comme prototype de vampirisme amoureux, mais c'est une interprétation que rien ne justifie dans le texte, en fait.

Dommage d'autant plus que l'auteure, de façon réaliste, ne fait pas de cadeau à ses jeunes héros, dont la "révolution" suit le schéma classique, passant par la centralisation, puis les purges, avant la déliquescence. A ce propos, on notera toutefois que les "fragments théoriques" insérés dans le déroulement de l'action se lisent avec plaisir.

En somme, une impression en demi-teinte pour ce roman ambitieux, qui a obtenu le prix Imaginales des lycéens en 2010, et qui ne manque pas de réflexions intéressantes sur les soixante-huitards et leurs descendants.