Les Chroniques de l'Imaginaire

Rue barbare

Cela fait dix ans que Daniel "Chet" Chetman a quitté le gang des barbares, tenu d'une main de fer par Mathias "Matt" Hagen. Il a sauvé Eddie, qu'il a épousé, et s'est posé de l'autre côté de la rue avec son frère, sa belle-sœur et son père. Et cela fait aussi dix ans que, pour éviter tout ennui, Chet ne s'occupe plus des affaires des autres. Il a vu des gars se faire tabasser à coups de barre à mine sans jamais intervenir. Alors, pourquoi, ce soir-là, s'arrête-t-il pour sauver une jeune chinoise qui demande de l'aide derrière la palissade du chantier qui jouxte la rue ? En tous cas, ce geste, observé par Hagen, va bouleverser complètement la vie de Chet.

Il y a peu de choses à dire en plus sur l'intrigue du film. Elle se déroule comme on l'image et Chet "plonge gaiement dans les emmerdes", comme il le dit lui-même. Pourtant, ce film fait partie de mon top 10, voire même 5, de mes meilleurs films. Parce qu'il y a la prestation de Bernard Giraudeau, magistrale. Parce qu'il y a cette ambiance banlieusarde et zonarde du début des années 80 qui me rappelle certains de mes frères à l'époque, avec leur lot d'embrouilles. Parce qu'il y la confrontation entre Chet et Hagen, joué par Bernard-Pierre Donnadieu, qui prend aux tripes (leur première confrontation dans les fondations de l'usine où Chet retrouve ses anciens compagnons me fascine toujours autant tandis que le combat final possède une tension phénoménale). Parce qu'il y a cette peine dans le personnage d'Eddie qui ne peut me laisser indifférent. Parce qu'il y a la bande son composée par Bernard Lavilliers qui colle à 200% au film. Parce qu'il y a déjà ce sentiment d'urgence oppressant des quartiers pourris avec cette éternelle question : "y a peut-être un ailleurs ?". Toutes ces choses font que ce film me parle comme rarement un film m'a parlé. Ce n'est sans doute pas pour rien que je l'ai vu au moins cinquante fois…

Bien sûr, il y a des choses complètement décalée qui prêtent à sourire, comme Rocky Malone, interprété par Jean-Pierre Kalfon. Ou bien le personnage de Temporini, même si son geste est d'un courage exemplaire. Mais je mets toujours cela de côté quand je regarde à nouveau le film. Je vois ses défauts, mais ils deviennent aussi sa force, son caractère, son essence.

Je ne sais pas ce que pourrait penser quelqu'un qui découvrirait le film aujourd'hui, sans avoir la sensibilité du début des années 80. Même les anciens risquent sans doute de trouver que le film est dépassé et a mal vieilli. Sans doute. Je ne vois rien de tout ça. Je ne sais que me fondre dans cet hymne de la zone.

Un film que je ne me lasse jamais de revoir