Après leur retour au bercail, les deux brebis égarées du Clan ont plus ou moins de difficultés à s'adapter, ou à se ré-adapter, aux réalités de ce monde si différent. Iris/Patricia a moins de mal, d'une part parce qu'elle y a grandi, et qu'elle n'en connaît que trop les secrets, et d'autre part parce qu'elle a conscience de la fragilité de sa position. Miriam/Helge, en revanche, y est totalement inadaptée, ne se rend même pas compte à quel point, ni l'importance que peut avoir cet état de fait : après tout, elle a fait des propositions importantes, qui montrent au Clan la voie dans laquelle s'engager, n'est-ce pas ? Cela devrait la rendre intouchable, non ? Non, pas du tout, et peut-être en aurait-elle davantage conscience si elle savait ce que mijotent les USA.
En effet, la défection de Matthias, et surtout ses révélations, bien sûr, a fait là-bas l'effet d'une bombe : au plus haut niveau, on perd le sommeil à l'idée que plus aucun site "sensible" n'est à l'abri du terrorisme, tant qu'existeront des franchisseurs de monde.
Quant à l'autre monde, il est aussi très agité et instable sur le plan politique.
Tout cela donne un roman nettement plus sombre que les deux précédents, et où le personnage de Miriam n'est plus au centre, au sens où, bien qu'elle reste un enjeu important, elle n'est plus du tout le moteur de l'action. De ce fait, l'humour est beaucoup moins présent, contrairement aux complots au plus haut niveau, qui occupent la place centrale dans chacun des trois mondes concernés.
Ce qui est très frustrant, outre l'insupportable suspense de la fin, bien sûr, c'est qu'on ne sait rien de l'évolution des rapports entre le Clan et la famille "perdue" ; qu'on ne voit pratiquement pas Paulie, ni Olga, dont on ne voit pas très bien ce qu'elles sont censées faire en coulisses. En somme, la frustration vient de ce qu'on n'a pas l'impression de lire une suite directe au tome précédent : la fin de celui-ci aurait constitué une fin possible, et à peu près heureuse, pour une histoire divertissante et originale.
Ce troisième tome semble ouvrir sur le début d'une longue histoire compliquée, "pleine de bruit et de fureur", qui déborde largement le cadre de départ. Autant en être conscient avant de s'y engager, moyennant quoi on appréciera le sens du rythme de Stross et sa capacité à créer des personnages attachants, qualités qu'il démontre ici avec la même évidence que dans les tomes précédents.
