Les Chroniques de l'Imaginaire

Vivants - Marion, Isaac

R est un zombie. Il ne sait pas comment il est devenu comme ça ni pourquoi les morts se relèvent. C'est comme ça, c'est tout. Mais R n'arrive pas à se contenter de ce "c'est tout". Il aimerait savoir, comprendre. Ne plus se rappeler son prénom l'exaspère. Il croit que ça commençait par un R, sans en être sûr. Du coup, c'est comme ça qu'il a décidé de s'appeler. La plupart de ses comparses ne se souviennent même pas de cette simple première lettre. Sauf M, son ami. Si tant est qu'on puisse avoir un ami quand on est un zombie. En tout cas, une chose est certaine, c'est que, malgré tout, il y a quand même des moments où il faut se nourrir. De chair humaine. Mais elle se fait de plus en plus rare, parce que les survivants sont de moins en moins nombreux. Normal, R et les siens les mangent. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas tenter le coup et partir à la recherche de nourriture.

Du coup, R et M, accompagnés d'autres zombies, quittent leur aéroport pour se diriger vers la ville. Ils investissent un immeuble et trouvent un groupe de jeunes caché là. Pendant le massacre qui s'en suit, R va manger Perry Kelvin. Et il va se rappeler des moments de la vie de Perry. Cela arrive de temps en temps quand les zombies mangent un corps, mais R n'a jamais vécu cela de manière si intense. Ce ne sont pas simplement des images qui défilent dans sa tête. Il est Perry. Or, Perry est amoureux de Julie. Et Julie est dans la salle. Du coup, R va protéger Julie des autres en la barbouillant de sang de zombie. Malgré leur sens surdéveloppé pour trouver de la chair vivante, les zombies vont se laisser avoir par le subterfuge. R va donc pouvoir ramener Julie dans l'avion qu'il habite. Et c'est là que va commencer une étrange relation entre un zombie qui ne veut pas se contenter de sa condition et une jeune fille qui n'arrive plus à vivre dans un monde sans but.

Il en existe des œuvres de zombies, c'est même une chose très à la mode ces derniers temps. Par contre, des œuvres où on se place côté zombie pour le point de vue, c'est la première fois que je vois ça. Au début, on se demande bien comment Isaac Marion va pouvoir tenir la distance. Parce que c'est pas que c'est plat le cerveau d'un zombie, mais un peu quand même. Force est de constater que nos craintes sont vite balayées par l'auteur. Bon, c'est aussi simple parce que R a des pensées. Beaucoup. C'est juste qu'il a du mal à les verbaliser. Mais ça viendra. Ce petit raccourci permet donc de nous faire vivre les pensées de R qui voit un monde qu'il n'aime pas. Ou plutôt qu'il aimera voir changer. Comme lui change. Eh oui, un zombie qui est capable de dire non à de la bonne chair humaine, ça court pas les rues.

Et des filles qui sont capables de voir ce changement chez un zombie non plus, il n'y en a pas beaucoup. Heureusement pour R, Julie est de celles-là. Du coup va naitre entre eux une amitié hors normes mais qui va apporter beaucoup. Cela ne se fera pas sans douleur, comme on peut l'imaginer, mais cela se fera.

Ce livre a plusieurs facettes. Déjà, c'est une ode à l'amour et à la tolérance. Les différences font notre richesse et ne devraient pas nous diviser, du moment que chacun respecte l'autre. C'est aussi une œuvre puissante sur la volonté qui nous permet de faire ce que l'on veut. Ce ne doit pas être le monde qui doit nous dicter qui nous sommes ou ce que nous désirons mais bien nous qui devons le décider. C'est cette volonté qui distingue ceux qui peuvent changer le monde de ceux qui ne le peuvent pas. Et même si changer le monde est juste commencer par changer sa propre petite vie.

Vivants fait donc passer un très bon moment. C'est aussi un roman de zombies fait pour ceux qui n'aiment pas les histoires de zombies. Du moins pas encore...