Lorsqu'on acquiert un livre intitulé Petit éloge de la joie, on s'attend à lire des phrases optimistes, peut-être même débordantes de bons sentiments, voire mièvres, mais certainement pas à ce que nous propose Mathieu Terence.
Sous forme de courts paragraphes distincts, l'auteur commence par nous parler du Grand Deuil, cette phase de désenchantement qui a suivi les évènements des révolutions françaises, américaines, industrielles, alors que l'homme était plein d'espoir survolté. Ce Grand Deuil qui a presque eu raison de la joie. Puis l'auteur poursuit avec des réflexions philosophiques sur la joie, qui lui sont propres ou empruntées à de grands penseurs : Nietzsche, Pascal, Descartes ou encore Spinoza. Il évoque ainsi la notion de joie à travers la littérature, mais aussi à travers l'art et la musique. Si certaines citations ou pensées sont pertinentes, d'autres tombent comme un cheveu sur la soupe. L'auteur a une âme de poète et cela se ressent immédiatement à la lecture de ses petites phrases, qui bien souvent sont très jolies, mais n'ont pas leur place dans un recueil se voulant faire l'éloge de la joie. Elles manquent de sens. Par exemple, "Elle a le secret de tout révéler" ou "Les pensées nées de la souffrance sont de la souffrance. Les pensées nées de la joie sont des pensées".
De plus, ce Petit éloge de la joie n'est surtout pas un cadeau à faire à quelqu'un qui a besoin de réconfort. Ce qui transparait nettement dans ce recueil, c'est que la joie est rarement vue pour ce qu'elle est mais en opposition ou en relation avec des pensées négatives. La joie doit se mériter, il faut savoir l'accueillir. Certes. Mais doit-elle nécessairement s'opposer au bonheur, que l'auteur semble considérer comme une basse illusion normée voulue par la société ? Il souligne à plusieurs reprises le rôle de la souffrance, et va jusqu'à mettre sur le même plan la joie et le suicide : "Le suicide, comme la joie, est un sommet. Sur les cimes du désespoir on distingue celles de la joie. Sur l'une et l'autre, l'air y est pur à un point fatal". Ce recueil manque par ailleurs d'universalité. Mathieu Terence affirme péremptoirement que "rien de matériel ne peut inspirer la joie". Vraiment ? Un "signe de victoire comme au soir d'une finale" serait "un cliché de la joie", un exemple des "exultations d'un monde demeuré".
Au bout du compte toutes ces réflexions ne sont pas parlantes pour le lecteur, qui se sent regardé de haut s'il sait retirer de la joie de choses simples sans passer par les affres de la souffrance ou sans se sentir jalouser à chaque instant. Pourtant les dernières réflexions sont plus joyeuses, et encouragent à savourer le plaisir de la nature, des couleurs, du bien-être de ses proches. Mais cela ne parvient pas à nous remonter le moral après les nombreuses phrases peu joyeuses qui ont précédé.