En 1818, la France est à un tournant de son histoire. La déconvenue de Napoléon Bonaparte à Waterloo a signé le retour des Bourbons au pouvoir après leur chute lors de la Révolution de 1789. Le mot d'ordre : oublier le passé pour mieux repartir de zéro. C'est la Restauration.
C'est au coeur de ce nouvel ordre politique que va nous plonger Louis Bayard, à travers le destin d'Hector Carpentier. Cet étudiant en médecine s'est entiché d'une jeune femme vénale et a perdu sa fortune, si bien qu'il vit avec sa mère dans une maison de Paris avec des pensionnaires, histoire de renflouer les caisses. Ses journées sont réglées comme une horloge, jusqu'à ce qu'apparaisse dans sa vie, déguisé en vagabond, le célèbre Vidocq. Ce fameux personnage à la tête des services de police, et aux méthodes controversées bien qu'efficaces, suit la piste d'un meurtre qui l'a conduit tout droit chez Carpentier, car son nom était caché dans les dessous du cadavre. Les deux comparses vont mener l'enquête et bien vite se rendre compte qu'en réalité il était question du défunt père de Carpentier, son homonyme. Qu'avait-il de si particulier ? Tout porte à croire qu'il était le médecin de Louis-Charles, le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, emprisonné et mort dans la Tour du Temple. Et si Louis-Charles n'était pas mort ?
C'est sur cette hypothèse totalement inventée par l'auteur que va se construire l'intrigue. Un complot serait en marche pour empêcher Louis XVII de revendiquer le trône et prendre la place de son oncle. L'auteur parvient à nous entraîner dans cette histoire farfelue avec grand talent. Tout d'abord par son écriture. Le style est enlevé, le vocabulaire recherché, fidèle à l'époque, et l'humour pertinent est utilisé à bon escient, sans surcharge. Soulignons au passage la formidable traduction de Jean-Luc Piningre, qui a produit un texte fluide qu'on lit réellement avec plaisir. Les personnages ajoutent grandement à la qualité de l'histoire. Le truculent Vidocq impressionne le timide Carpentier, qui néanmoins prend de l'assurance à mesure que l'enquête avance. Le rythme est soutenu, les chapitres courts, on avance vite en enchainant les découvertes et la fin est à la mesure des promesses de l'incipit.
Il est par ailleurs étonnant de constater comme un auteur américain peut à ce point s'imprégner de l'atmosphère parisienne du 19è siècle dépeinte par Emile Zola ou Eugène Sue. Ses connaissances historiques et sa capacité à les manipuler de façon à rendre une histoire inventée crédible méritent d'être soulignées. La précision historique, le style et la qualité de l'histoire sont les grandes qualités de La tour noire, et on passe un très bon moment aux côtés de Vidocq et de Carpentier. Les amateurs de polars historiques seront comblés !