Maya Lipman est flic. Elle est aussi sourde. Ses collègues se sont habitués à cet état et ont pris de nouvelles habitudes pour que les réunions se passent bien, comme de bien parler chacun son tour pour que Maya puisse lire sur les lèvres. Elle a bien un appareil, mais il amplifie tous les bruits de la même manière. Aujourd'hui, le service de Maya a reçu une lettre anonyme. Elle annonce un crime prochain si la police ne fait rien concernant un criminel surnommé " le Prince ". Personne dans le service ne semble savoir de qui il s'agit. Il y a aussi une affaire de tapage nocturne avec délit de fuite. Maya va travailler sur l'affaire du " Prince " avec Jimmy. Elle ne l'aime pas trop, avec ses grands airs et son humour macho et rabaissant, mais c'est un bon flic. Jimmy essaye bien de lui faire faire le boulot administratif, un " travail de gonzesse ", mais Maya le prend de court pour le laisser dans les papiers pendant qu'elle va interroger ses indics.
On va suivre l'enquête de Maya mais aussi celle pour le tapage nocturne, qui n'est pas simplement ce qu'il semble être de prime abord. L'enquête, les relations entre collègues, les nouvelles pistes, les indics, tout est passé en revue dans ce premier tome de 56 pages. Eric Corbeyran et Bénédicte Gourdon pose les premières pierres d'un thriller angoissant et efficace et ce sans presque pas d'action. Ici, l'ambiance est cruciale ainsi que les personnages. L'accent est vraiment mis sur les liens que peuvent avoir les gens entre eux ainsi que les situations. On s'en rendra d'ailleurs compte dans la dernière partie du tome. Mais c'est une surprise.
Parallèlement à ça, on a des passages oppressants, étouffants, glaçants dans un dessin qui n'a rien à voir avec le reste mais ressemble plus à des peintures torturées. Des passages qui parlent d'une personne que l'on découvre petit à petit en même temps qu'elle se découvre elle-même. Une personne amnésique, enfermée quelque part, kidnappée apparemment. C'est vraiment flippant et les personnes qui n'aiment pas les ambiances glauques surdosées auront sans doute du mal avec ces passages. On ne sait pas encore quel lien cela peut avoir avec le reste du tome. Cela en a-t-il d'ailleurs un ? Peu importe, ces scènes bouleversantes sont une nouvelle force indéniable pour ce récit plus que convaincant.
Vous l'aurez je pense compris, Le port de la Lune est une excellente surprise. Un thriller profond comme on aimerait en voir bien plus en bande dessinée. Une réussite totale qui s'appuie sur un scénario, certes classique, mais qui tient toutes ses promesses, des interludes mystérieux qui prennent aux tripes et un dessin réaliste de très bonne facture.
