Dans un éditorial à trois voix, Norbert Spehner, Joël Champetier et Jean Pettigrew reviennent sur l'histoire de la revue depuis ses tout débuts jusqu'à son futur possible / probable / (très) hypothétique, en passant par le récit très documenté de ses sept dernières années. C'est instructif, c'est passionnant à lire, parfois drôle, et ça donne des envies de numéros anciens. En tout cas, bravo à l'équipe passée, présente et à venir, et longue vie à Solaris !
Pour ce numéro spécial, l'équipe a construit son panel de nouvelles autour d'auteurs ayant des liens de longue date avec la revue, en y adjoignant la lauréate du Prix Solaris 2011, dont le texte ouvre le bal fictionnesque. On trouvera donc dans ce numéro :
Le substitut, de Josée Lepire : Daniné a un but dans la vie, pour ne pas dire une obsession : quitter la Terre. Aussi, son fils, dont l'existence conditionne son départ, étant malade, elle lui cherche un substitut valide. L'idée est intéressante, plutôt bien menée, mais j'ai trouvé la nouvelle longuette, et j'avoue qu'elle ne m'a pas passionnée une seconde.
Qui êtes-vous, Ekaterina Eulenburg ?, d'Alain Bergeron : Les désirs du Shagrall sont des ordres, et s'il veut une Ekaterina Eulenburg, il faut lui en ramener une. La nouvelle suit l'histoire du capitaine Fédor Ramesay et de la jeune femme qu'il ramène d'Octobre. Encore une idée originale pour cette nouvelle où plane l'ombre de l'URSS et du personnage de Staline, dans une ambiance qui m'a évoqué, de loin, le Andreas Eschbach de Milliards de tapis de cheveux et de Kwest. Et le titre du dictateur, avec sa double connotation impériale (Shah) et religieuse (Graal) m'a paru particulièrement évocateur et bien trouvé.
Lettre à mon arrière-arrière-grand-père, de Mario Tessier : Une nouvelle superbe sur le poids des liens familiaux et des injonctions ancestrales, quand la loyauté dépasse toute mesure. L'équilibre entre humour et horreur discrète, si particulier à l'auteur, est ici parfait. Une grande réussite, et l'une de mes préférées.
Greg Waverly, d'Yves Meynard : Un lecteur obsessionnel de classiques, qui méprise la littérature de genre, voit soudain apparaître dans tous ses livres le nom de Greg Waverly. Il finit par apprendre qu'il s'agit d'un auteur de science-fiction (horreur !) totalement oublié (a-t'il même existé ?!). Très bonne histoire sur le retour du refoulé, sur la possession, et bel hommage plein d'un humour discret à nos genres de prédilection, sur une idée de base originale.
La petite brune aux yeux verts, d'Hugues Morin : Il s'est habitué à ce que Laurie l'appelle par ses initiales, ZL. Comme il s'habitue petit à petit à ce qui ressemble de plus en plus à un don de seconde vue. Ce texte m'a évoqué la SF de l'âge d'or, tant par son thème que par son écriture, et surtout par la fin, beaucoup trop facile à mon goût. Et ce n'est pas la SF que je préfère...
L'Amour au temps des Chimères, d'Elisabeth Vonarburg : Devant l'Aquarium où la sirène danse pour Khim, même les bandes les plus violentes se réconcilient tacitement. Mais, même s'ils l'ignorent, la sirène n'est pas là pour eux tous... Chic, Baïblanca ! Chic, la Toison d'Or ! Comme sans doute beaucoup de ceux qui ont lu et aimé les recueils de nouvelles de Vonarburg, je m'avoue fascinée par le (non-)cycle de Baïblanca, et j'y reviens toujours avec plaisir. Comme je lis toujours avec délectation, sous le clavier de la franco-québécoise, ces histoires ciselées autour de la difficulté de communiquer, et de l'impossibilité de maîtriser l'effet que nos conduites auront sur l'autre ou les autres, quelles que soient les intentions qui étaient à leur origine.
Dans ses Carnets du Futurible de ce trimestre, Mario Tessier a tenu sa promesse d'étudier les langages de la SF sous l'angle de l'hypothèse Sapir-Whorf. J'attendais cette rubrique avec impatience, et j'ai trouvé cet article remarquable : bien documenté, abordant tous les aspects de la question, y compris l'identité de Sapir et Whorf et les prolongements apportés à cette théorie un peu ancienne... Tout, vous dis-je ! Et bien sûr j'y ai vu des références à des romans que je ne connais pas du tout, et que je vais m'empresser de rechercher.
Dans les Lectures imprimées, j'ai lu avec un peu de surprise ce que dit Mathieu Arès de L'épouse de bois. Son idée pour expliquer le titre est certes intéressante, et peut-être judicieuse, mais il existe aussi un personnage emblématique de ce nom, qui est "porté" par un personnage en chair et en os, or Mathieu Arès semble être passé à côté de cet aspect. Ou l'aurais-je inventé ? Quant aux Lectures uniquement virtuelles, dont plusieurs sont signées Elisabeth Vonarburg, je m'y suis régalée. Je recommande à tous (Solaris) cette lecture passionnante et instructive, avec pas moins de deux critiques de Rêves de Gloire, de Roland Wagner, par exemple.