Le cinéphile lambda ne savait plus à quel film se vouer au mois de septembre dernier : Guerre des boutons, Nouvelle guerre des boutons, que choisir ? Y a-t-il une version plus authentique que l'autre, sans même tenir compte de la mythique réalisation de Yves Robert en 1962... De quoi en perdre son latin, ou ses boutons ! Alors simplifions-nous la vie, faisons fi des querelles du grand écran et revenons aux valeurs sures de la littérature.
Louis Pergaud signe en 1912 le roman de La guerre des boutons, sous-titré Roman de ma douzième année. Il y relate les péripéties de deux bandes d'enfants, les Longeverne et les Velrans. De génération en génération, ils se retrouvent sur le pré communal pour défendre leur village et leur honneur, à grands renforts de cris, cailloux et bâtons. De vraies batailles rangées durant lesquelles il ne vaut mieux pas être fait prisonnier. Pas de quartier pour les "[boutons, boutonnières, agrafes, cordons]" ! Le malheureux captif retourne dans son camp copieusement fessé et dépouillé de toutes attaches vestimentaires. Quel désastre quand il faut ensuite rentrer à la maison, en retard, et justifier un tel débraillement ! Les corrections paternelles pleuvent sur les caboches guerrières. Et l'option échec scolaire n'est clairement pas envisageable, car les colles et les restrictions de sortie paralyseraient les valeureux combattants. Quel stratagème Lebrac inventera-t-il pour limiter le courroux parental et professoral, tout en assurant à ses acolytes de Longeverne une victoire sur les Velrans ?
La voilà donc la vraie histoire, pleine de poésie et de fraîcheur, écrite dans une langue populaire et simple, un peu gavroche. Quel plaisir de voir qu'au début du siècle précédent on ne savait déjà plus construire la négation en ne... pas ! Parfois, le cur se serre à la lecture des pressions exercées sur ces vaillants héros qui souhaitent seulement s'amuser et vivre leur combat comme le font les adultes. Mais le plus souvent, on s'attendrit devant leur courage, on rit de leur inventivité. Scènes pour la plupart cocasses de la vie quotidienne dans les campagnes, La guerre des boutons est un morceau de notre histoire, une illustration de la construction de notre éducation, un rappel de l'enfance qui fait du bien à la tête.
Et cette édition met cette histoire à portée des plus jeunes lecteurs. Les illustrations de Claude Lapointe aèrent le texte pour le rendre moins impressionnant ; les photos du film La Guerre des Boutons modernisent l'ouvrage en lui donnant un ancrage dans l'actualité, et l'illustration de couverture tirée de la même production interpellera sans aucun doute le public.
On espère donc que ce classique de la littérature revienne ainsi sur le devant de la scène et qu'on le retrouvera l'année prochaine dans la sélection d'ouvrages que les enfants étudieront à l'école !