En 1864, la guerre de Sécession fait rage entre les Confédérés du Sud et l'Union du Nord. Les armées se font face quotidiennement en Virginie, avec à la tête d'une partie des unionistes le général Sheridan. Ses blessés sont transférés en masse vers les hôpitaux de fortune dressés aussi vite qu'ils sont démontés. Le colonel Simon Wolfe, manchot depuis la bataille de l'Antietam en 1862, est chargé de coordonner les services de santé, mais la tâche est incommensurable, les membres amputés forment des tas, les chirurgiens travaillent à la chaîne, il faut estimer rapidement qui il est vain de tenter de sauver pour pouvoir s'occuper de ceux qui ont une chance de survie.
C'est au milieu de cette guerre que le colonel Wolfe va tomber par hasard sur une vieille femme dunker, qui lui dira qu'un soldat s'en est pris gratuitement à elle avec son sabre. Les dunkers sont des allemands fidèles de l'Eglise baptiste, une population pieuse opposé à la violence, qui ne prend donc parti pour personne dans cette guerre. Cette agression étonne le colonel. La colère et l'inquiétude le gagnent lorsqu'il pénètre dans une maison dunker rongée par les flammes afin de porter assistance aux habitants. Mais la femme qu'il y trouve est allongée à terre, morte, trois coups d'arme blanche portés au ventre. En sortant de la maison il trouve une dunker pétrifiée par la peur, Rebekka, un bébé dans les bras. Il les prendra immédiatement sous sa protection.
Malgré le travail qui l'attend à chaque instant à l'hôpital, Simon est torturé à l'idée qu'un des siens s'en prenne à des civils innocents. Il en parle donc à Sheridan, qui lui demande de trouver le coupable. Et c'est donc le début de l'enquête du colonel médecin, au cours de laquelle il rencontrera d'aurres dunkers assassinés. Mais cette enquête sera difficile à mener, engluée dans l'atmosphère poisseuse de la guerre. Car Kirk Mitchell ne nous plonge pas tant dans une affaire de meurtres que dans les affres d'une guerre "à l'ancienne", au corps à corps, avec du sang et de la sueur. On suit les positions des parties adverses, les stratégies, et à chaque jour une nouvelle mission, qui pourrait être la dernière de chacun des personnages récurrents. Ce qui est parfois le cas.
Même si l'histoire est particulièrement centrée sur la guerre, l'intrigue policière est très bien menée. Au début c'est le flou total, puis chacun des personnages principaux, dont le général Custer, est tour à tour soupçonné car tout porte à croire qu'il est le coupable, jusqu'à ce qu'un élément nouveau vienne l'innocenter. A côté de ça il y a Rebekka, qui s'avère folle, et même dangereuse. Récitant des textes religieux lors de ses crises, se couchant nue au milieu des cadavres, mais tellement belle et tellement touchante lors de ses moments de lucidité. Le colonel Wolfe ne sait pas sur quel pied danser avec elle. Pourtant son rôle dans l'histoire est essentiel, car elle est la seule à avoir vu l'assassin et à pouvoir le confondre.
Pour un lecteur français, il n'est pas aisé de rentrer dans l'histoire. La guerre de Sécession est un évènement historique que nous connaissons mal, et les faits cités, les personnages et les lieux nous sont pour la plupart étranger. C'est plutôt déstabilisant au début. Mais la qualité de l'histoire et de l'écriture nous font petit à petit oublier ces lacunes personnelles. On est totalement embourbés dans cette guerre au milieu des soldats, qu'ils soient vaillants sur le champ de bataille ou allongés sur un lit dans leurs derniers instants. On partage les craintes, les doutes, et les victoires, aussi. La longue enquête tâtonnante du colonel Wolfe colle bien à l'atmosphère, car si les généraux sont sensibles à ces meurtres leur préoccupation majeure reste évidemment la victoire contre les sudistes.
Dans la vallée de l'ombre de la mort est un roman plaisant à lire, malgré son atmosphère pesante, instructif, et de surcroît remarquablement écrit. Un excellent polar pour qui aime être plongé dans un contexte et pas seulement dans une enquête.
