A l'occasion du passage de Rouge est ma couleur dans la collection Rivages/Casterman/noir, l'auteur-scénariste Marc Villard et le dessinateur Jean-Christophe Chauzy ont retravaillé la bande-dessinée originellement parue en 2005. Cette nouvelle édition se voit ainsi augmentée de trente planches inédites, qui permettent une immersion plus poussée dans l'atmosphère sombre créée par les deux auteurs.
David Nolane est un flic du 18è arrondissement de Paris, chez les stups plus précisément. Lui et son coéquipier Carl sont sur le point d'appréhender des trafiquants de drogue donnés par l'indic de Carl, mais la mission tourne mal. Une fusillade éclate. Carl s'effondre. Avant de mourir il prononce des paroles mystérieuses sur son indic, que David ne connaît pas. En rentrant chez lui, sous le choc, il constate que sa femme l'a quitté. Il ne lui reste plus que Zoé désormais. Zoé, c'est sa fille. Une droguée à l'héroïne qui est en hôpital psychiatrique depuis qu'elle a essayé de tuer sa mère. David la fait revenir à la maison. Leurs rapports ne sont ni démonstratifs ni dépourvus de tendresse. Elle veut sortir de la drogue, vivre de la musique comme avant, et lui veut attraper celui qui a tiré sur son coéquipier. Chacun va s'appuyer sur l'autre pour aller de l'avant.
Mais tous deux vont se prendre les pieds dans des difficultés posées sur leur chemin. Pour vivre de sa musique, Zoé va signer un pacte avec le Diable, personnifié dans Borelli, patron d'un bar. Paradoxalement c'est par le milieu de la drogue qu'elle devra s'en affranchir. Le hasard la mènera à être en mesure d'aider son père dans l'affaire Carl Weissner.
Avec cette histoire, Marc Villard nous emmène vers des thèmes typiques du roman noir, à savoir la marginalité, le monde de la nuit : les bars, la musique, et ses travers : la drogue, les trafics. Mais ce n'est pas une mise en accusation, au contraire. On s'attache au personnage de Zoé, camée au point de se prostituer pour sa dose mais qui malgré tout a la volonté de s'en sortir. Et le pire ne se situe même pas là à vrai dire, mais dans le monde judiciaire, où ceux qui sont chargés de faire respecter la loi deviennent aussi véreux que ceux qu'ils doivent arrêter. Mais comment leur en vouloir alors que pour faire tomber un trafiquant il faut parfois s'infiltrer en se droguant soi-même ? L'univers dépeint dans le milieu des stups et dans la police en général m'a beaucoup fait penser aux films d'Olivier Marchal. C'est sombre, c'est dur, mais c'est aussi ça la réalité.
Si le propos est violent, les dessins de Jean-Christope Chauzy ne le sont pas moins. Les traits sont gras, vifs, les couleurs agressives, dans des tons orange, bleus, verts. Certaines vignettes sont quasi monochromes, et les planches visuellement très contrastées de ce fait. Et en même temps les traits sont suffisamment précis pour que les émotions des personnages soient lisibles : la déception, la colère, la joie, l'espoir...
Cette lecture est une immersion dans cette dure réalité, mais c'est aussi un polar réussi. La fin éclaire le début. En reparcourant les premières pages on se rend compte que des détails auxquels on n'avait pas prêté attention au départ prennent tout leur sens. Rouge est ma couleur présente une histoire forte, sombre, et cohérente, à la hauteur d'un bon roman noir.