Cela fait maintenant cinq ans que Bashir Hafez est enfermé dans les geôles d'Alexandrie. Astronome et mathématicien, il passe ses journées à marmonner formules et théories dans sa cellule, jusqu'au jour où des étrangers viennent le chercher pour l'emmener à Istanbul. En 1526, l'Egypte fait partie de l'Empire Ottoman, gouverné par Soliman le Magnifique, et c'est ce dernier en personne qui a fait appel à Bashir. Son objectif ? Récupérer un livre se trouvant à Rome, intitulé Les éphémérides perdues. Ce livre renfermerait un message codé permettant de faire fonctionner l'astrolabe de glace, un objet mystérieux grâce auquel l'utilisateur pourrait percer à jour les secrets de la sphère céleste. Or, afin de vérifier les données scientifiques contenue dans le livre, il faut une personne initiée. Bashir devra donc se rendre à Rome pour ramener le livre et vérifier son authenticité. Après quoi il pourra vivre en homme libre.
Mais les choses se compliquent, car au même moment, l'Empereur Charles Quint lance son armée de mercenaires Lansquenets pour assiéger Rome. Une intrigue parallèle se met alors en place, dans laquelle on assiste à des affrontements politiques, militaires, et religieux. Nous allons suivre un groupe de mercenaires en particulier qui va nous permettre de comprendre les tenants et les aboutissants du conflit, et nous allons aussi observer ce qui se passe dans l'enceinte romaine, où la vie suit son cours sans trop d'inquiétude. Pourtant, un sujet en particulier préoccupe la papauté : le livre. Le clergé veut lui aussi remettre la main sur Les éphémérides perdues, qui a disparu de la Bibliothèque de Rome.
Bashir se trouve donc en bien mauvaise posture, contraint de ramener le livre pour recouvrer la liberté, mais dans une ville assiégée au coeur de laquelle des ennemis cherchent le même objet que lui. Et tout ceci aboutit à une histoire très prenante. On s'attache immédiatement à Bashir, qui se trouve lâché dans Rome alors qu'il vient de passer plusieurs années en tête à tête avec des murs et ses calculs. Et ses expressions sont si bien rendues qu'on a l'impression de le voir devant nous. On voit rarement d'aussi beaux dessins, c'est un travail d'une beauté incroyable ! Chaque vignette est un tableau. Antonio Palma, qui se livre pour la première fois au rôle de dessinateur BD, a pris un soin fou à dessiner tous les détails : les traits du visage, les plis des vêtements, les rues, les jeux d'ombre, les embruns, la fumée d'une pipe... Absolument tout est d'une précision bluffante. Le coloriste Hubert a quant à lui sublimé ces vignettes avec des couleurs magnifiques. Même sans le texte on se régale juste en parcourant les planches. Mais il y a le texte, et Luca Blengino frappe fort lui aussi. C'est très bien écrit, limpide, en adéquation avec la qualité du scénario, à la fois récit d'aventure, historique et ésotérique.
Il s'agit du premier tome sur une série de deux. Les bases de l'intrigue sont donc posées et il y a déjà beaucoup d'action, on ne s'ennuie pas une seconde, d'autant plus que c'est autant un plaisir intellectuel que visuel. A la fin de l'ouvage le lecteur pourra se délecter un peu plus des talents d'Antonio Palma, puisqu'un cahier graphique permet d'apprécier ses esquisses, ses essais sur les personnages, et de voir comment la collaboration s'est opérée entre dessinateur et scénariste. Le résultat est éloquent.