Les Chroniques de l'Imaginaire

Les soldats de l'aube - Meyer, Deon

Zet van Heerden est un homme fini et un flic brisé. Ou le contraire. D'ailleurs, il n'est plus flic. Il n'est plus rien. Quand l'un de ses anciens amis lui demande de rendre service à quelqu'un, il y va à reculons. Mais il se prend d'autant plus au jeu qu'en fait il se trouve face à un défi qui semble impossible à relever : retrouver en une semaine impérativement le testament, disparu avec tout le contenu de son énorme coffre fort, de Jan Smit, mort assassiné neuf mois plus tôt, sans que l'enquête policière ait découvert grand-chose.

Il est engagé pour ce faire par l'avocate Hope Beneke, qui représente l'ancienne compagne de Smit, Wilna van As. Très vite, il découvre que Smit n'existe pas : ses papiers étaient faux. Et quand il fait publier sa photo pour découvrir sa véritable identité, il s'aperçoit qu'il a déclenché une véritable révolution : non seulement ses ex-collègues lui reprochent de faire cavalier seul en s'étant servi de leurs infos, mais les services secrets essaient aussi de l'intimider pour qu'il arrête.

Deon Meyer semble apprécier pour ses enquêteurs les profils en dents de scie. Son van Heerden ne fait pas exception à la règle, mais il est des plus réussis : l'auteur distille avec un grand talent les informations sur sa vie passée, et montre son évolution au fil de l'histoire présente sans en faire trop. Les autres personnages sont aussi passionnants, avec des femmes superbes, notamment bien sûr Joan van Heerden, mais il faudrait les citer toutes, et Kara-an Rousseau est une vraie trouvaille, en soi et pour la mise en relief de van Heerden. Pour les curieux et lecteurs habituels de l'auteur, on peut noter qu'on retrouve dans ce roman un personnage nommé Tobela Mpayipheli, qui semble toutefois n'avoir aucun rapport avec son quasi homonyme (Thobela) du Pic du Diable.

La double trame de l'histoire, entre l'enquête présente et ses multiples ramifications, et le récit de la vie passée du personnage principal, s'enchaîne parfaitement et sans temps mort. Par ailleurs, comme dans les autres romans, la situation politique et sociale sud-africaine est bien davantage qu'une toile de fond : elle ressemble quasiment à un personnage à part entière.

Il y a toutefois une erreur grossière page 359, due soit à l'auteur soit au traducteur. La phrase "Pavarotti, dans le rôle de Rigoletto, chantait..." fera sursauter tout amateur d'opéra. En effet, le rôle de Rigoletto, dans l'opéra éponyme, est chanté par une voix de baryton-basse, alors que Pavarotti était un ténor. Pavarotti a effectivement chanté plusieurs fois dans Rigoletto, mais dans le rôle du Duc de Mantoue. Cette confusion est très dérangeante, car elle enlève beaucoup de crédibilité au personnage d'amateur de musique lyrique de van Heerden.

Ce... bémol mis à part, il n'en reste pas moins que ce roman est une excellente lecture, et qu'il n'est pas étonnant qu'il ait obtenu le Grand prix de littérature policière en 2003 et le Prix Mystère de la critique en 2004.

Par ailleurs, c'était ma première expérience avec ce format de livre, et mon avis est mitigé. Le point très positif, c'est que ce livre minuscule tient vraiment dans une poche ! En revanche, un lecteur rapide passe vraiment son temps à tourner les pages, ce qui n'est pas des plus faciles, avec ce papier bible ultra fin. Et bien sûr le prix est nettement supérieur à celui d'un poche "normal".