Les Chroniques de l'Imaginaire

Rubedo, la conspiration des Lumières - Plasse, Franck

Alors que la foule en colère s'en prend à la Bastille en ce jour de juillet 1789, deux spectateurs restent à l'écart et observent la scène. L'un s'appelle Thomas, l'autre le Comte de Saint-Germain. Tous deux appartiennent à une confrérie étrange, celle des alchimistes. Le Maître rubedo confie à son apprenti que leur organisation secrète n'est pas étrangère à ce soulèvement républicain, et lui raconte son histoire.

Le coeur de l'intrigue se passe en 1764, lorsque le Maître de Thomas n'était alors "que" Guillaume. Encore apprenti, il enquêta aux côtés de son Maître, alors lui-même Comte de Saint-Germain. Le récit est donc une immense analepse, mais la chronologie des évènements est d'une clarté limpide. Le royaume était en ce temps gouverné par Louis XV. Or ce roi était apathique, totalement désintéressé du sort de la nation, et ce depuis un jour de chasse en 1750. Le pays allait mal. Le peuple, mourant de faim, remettait en question la légitimité de la monarchie. La France s'attira alors les foudres du Saint-Siège, pour qui dénigrer le Roi, élu de droit divin, était un outrage à l'Eglise. La volonté des alchimistes était au contraire d'en finir avec le régime monarchique et d'alimenter la lumière naissante des philosophes, afin de pousser le peuple vers la Révolution. Pour s'introduire dans le cercle des philosophes, le Comte de Saint Germain avait besoin de l'entremise de la Pompadour, qui accepta sous une condition : découvrir ce qui s'était passé ce jour de chasse en 1750. Or, l'Eglise avait elle aussi besoin de cette information pour sortir le roi de sa léthargie. Le duel entre les deux camps pouvait commencer...

Rubedo, la conspiration des Lumières est un savant mélange de plusieurs genres, à la fois roman historique, policier, fantastique. A la lecture de cette histoire je n'ai pu m'empêcher de penser à Guillaume de Baskerville et son apprenti dans Le nom de la rose de Umberto Eco, d'une part devant la relation paternelle qui unit le Maître et l'apprenti, mais aussi devant les énigmes qu'ils doivent résoudre. Il y a aussi un soupçon de Da Vinci Code, avec un indice à déchiffrer, qui en mène à un autre, puis à un autre... A côté de l'intrigue policière se trouve une intrigue historique, basée sur des détails très précis, même si certains évènements ont été réinterprétés pour coller à l'histoire. D'ailleurs à la fin de l'ouvrage Franck Plasse a joint un glossaire sur les personnages et les lieux, afin de permettre au lecteur de connaître les limites de la vérité, mais il suggère cependant de ne le lire qu'après avoir terminé le roman pour ne pas gâcher le suspense. Le récit prend également une dimension fantastique, à travers la légende de la Dame Bleue, et même ésotérique avec le domaine de l'alchimie, ainsi qu'avec l'émissaire du Saint-Siège, cartomancienne confirmée. Ce personnage est fascinant, feu et glace en même temps. Dévouée à la cause de l'Eglise mais prête à tout pour parvenir à ses fins. Les deux personnages principaux, Guillaume et le Maître, forment quant à eux un duo attachant, et c'est avec grand plaisir que nous suivons leurs péripéties.

Dans l'ensemble Rubedo, la conspiration des lumières est un bon roman, extrêmement bien écrit, à la manière d'un classique du 19è siècle, qui se lit de page en page sans voir le temps passer. Mais justement, il se lit un peu trop vite. Une épaisseur plus conséquente aurait été la bienvenue, car bien souvent l'action se passe trop rapidement, et est même survolée. Alors que les informations pour nous situer le contexte et les enjeux de l'époque sont très clairs. Il ne s'agit donc pas d'un récit rendu peu cohérent par l'absence de texte, mais il laisse un goût de trop peu à la fin de la lecture. Ce qui est en fait un compliment, n'est-ce pas ?