L'écuyer mirobolant, c'est ainsi que le général Decarpentry qualifiait Etienne Beudant, un grand maître de l'art équestre du siècle dernier. N'ayant jamais cherché à gravir les échelons, ce modeste capitaine est beaucoup moins connu du public (même cavalier) que nombre de ses homologues, mais son excellence était reconnue par ses pairs. Cette biographie romancée lui rend un brillant hommage.
Cet écuyer exceptionnel mérite largement cet honneur. Formé à la célèbre Ecole de Cavalerie de Saumur, adepte de la légèreté prônée par Baucher, ce cavalier prodige mena à la haute école nombre de petits chevaux barbes rétifs, dans de vagues carrières caillouteuses dessinées à la craie dans les sables de l'Afrique du Nord. Trahi par son corps alors que son esprit était toujours alerte, il légua à la postérité plusieurs textes pour faire partager son expérience de l'équitation.
Plutôt que de tenter de nous expliquer comment Beudant arrivait à ses résultats étonnants avec ses chevaux (mieux vaut pour cela se rapporter à ses propres écrits), Jérôme Garcin s'intéresse à l'homme. Avec beaucoup d'émotion, il nous le dépeint comme un solitaire entièrement dévoué à son unique passion - l'équitation - et doté d'une grande humilité, persuadé que les chevaux auraient toujours quelque chose de plus à lui apprendre. Si cette biographie s'adresse plutôt à des cavaliers, l'auteur n'ayant pu s'abstenir de quelques termes spécifiques au langage équestre, elle pourra cependant intéresser également les néophytes, tant le récit est touchant et s'abstient d'explications techniques. L'inconvénient, c'est que les amateurs reprocheront peut-être un manque de profondeur, ne comprenant pas vraiment ce qui a fait de cet homme un écuyer exceptionnel.
Quelle est la part de documentation et la part de romance, dans ce texte qui donne beaucoup de précisions sur la vie d'Etienne Beudant ? Je ne saurai le dire, mais l'auteur a su rendre cette biographie mieux construite et plus prenante que celle qu'il avait dédiée voici quelques années à un autre grand écuyer, moderne celui-ci, à travers son ouvrage Bartabas, roman. Son amour des chevaux et de la belle équitation, apparaissant dans ses oeuvres précédentes, est en tout cas toujours bien présent.
Ce roman a reçu cette année le prix Pégase Cadre Noir, qui récompense des ouvrages contribuant à une plus large diffusion de la culture équestre. Un prix largement mérité !
