Les Chroniques de l'Imaginaire

1,2,3, nous allons aux bois - Gomel, Aurore

Angie, Matteo et Eric sont inséparables depuis qu'ils se sont connus en classe de sixième. Ils se racontent tout et n'hésitent pas à accourir dès que l'un d'eux a besoin d'aide ou de réconfort. Cette année, celle de leur bac, est particulièrement difficile pour Angie, qui s'est laissé entraîner dans une histoire avec son professeur de mathématiques. Pour Eric ce n'est guère mieux. C'est même bien pire. Son petit ami s'est donné la mort après que son père l'a rejeté devant l'aveu de son homosexualité. Les trois amis se serrent les coudes plus que jamais.

Du bac jusqu'à leur quatre-vingts ans, le lecteur va suivre les grandes étapes de leur vie, et en large partie leurs amours, souvent chaotiques. Car la question de trouver la bonne personne va se poser plus en terme de genre qu'en terme de personnalité. Pour Angie par exemple, qui va trouver l'amie idéale en Flore. Mais est-ce vraiment de l'amitié ? Les liens du groupe d'amis se fragilisent peu à peu, avec la distance, puisqu'Eric part vivre en banlieue pour écrire ses romans au calme. Le travail, les relations amoureuses demandent aussi du temps. Chacun évolue de son côté en essayant de garder contact autant que possible.

Les thèmes abordés dans ce court roman appartiennent à première vue au registre de l'adolescence : le groupe d'amis, les études, les questionnements sur l'identité sexuelle. Mais il me serait difficile d'en tenir rigueur à une jeune auteure de vingt-et-un ans, qui produit là son premier roman. Le récit présente quelques maladresses, notamment le manque de crédibilité des dialogues des jeunes qui s'expriment de façon peu naturelle. L'expression "fermer la lumière" m'a vraiment gênée, et peut-être est-ce une coquille pour "une beauté esquisse". Néanmoins, malgré ces quelques défauts, 1,2,3 nous allons aux bois est un roman prometteur pour la suite. Les chapitres sont bien rythmés, courts et cohérents. Le fait de survoler la vie de chacun perd peut-être en consistance mais gagne en pertinence. Nous suivons le fil conducteur de leurs amours, avec les à-côtés nécessaires pour suivre un minimum leurs parcours personnels. C'est un parti pris satisfaisant car le récit est très bien construit. On tourne la dernière page sans regretter de ne pas avoir eu plus d'informations, puisque celles qui forment le roman ont complètement permis à l'auteure de nous emmener là où elle le voulait. Aurore Gomel a par ailleurs un talent d'écriture indéniable, les émotions sont remarquablement transcrites. Le passage où Matteo se rend à l'enterrement de son petit ami est extrêmement émouvant, ses réactions totalement crédibles. La jeune auteure parvient également à cerner le comportement du mari désabusé, et d'autres petits détails de la vie de trentenaire qui donnent à ce texte une dimension plus adulte que ce que les thèmes de départ laissaient à penser.

Même si l'ensemble manque encore un peu de maturité dans l'écriture, il n'en est donc pas moins très plaisant. Aurore Gomel a la faculté de rendre ses personnages proches de nous, et de les doter d'une personnalité propre et affirmée. En peu de pages son texte laisse une empreinte, et cela m'incite à lire son prochain roman dès que l'occasion m'en sera donnée.