Vous êtes désespérément à la recherche d'un polar bien sombre qui illustre parfaitement la notion "roman noir". Ne cherchez plus, vous avez trouvé Un nommé Peter Karras !
Nous sommes en 1933. Pete Karras et ses amis font leurs premières armes à l'école de la rue : castagne sur les écrans de télévision avec la boxe et ses héros de quartier, bataille rangée contre les jeunes noirs de Southwest, baseball dans les terrains vagues, cours de natation improvisé un jour de canicule... Pas besoin de vraiment suivre les cours à l'école, il n'y a qu'une seule règle à connaître : un immigré ne cède jamais de terrain à qui que ce soit, sinon il meurt. Un combat pour la survie qu'il faut tous les jours gagner.
Adultes, certains magouillent, d'autres s'en sortent, d'autres encore croient s'en sortir. Pourtant, Washington D.C. c'est chez eux, et qu'ils soient Italiens, Chinois, Irlandais ou Grecs, ils y reviennent tous un jour ou l'autre. Pete est Spartiate d'origine, son père le lui a répété tous les jours de son enfance, même s'il est blond et qu'il a les yeux bleus. Alors la plupart des gens qu'il fréquente sont Grecs. Ses amis sont Grecs, il a épousé une Grecque, il mange ses repas dans un istiatotio grec, il sort dans des bars tenus par des Grecs. Seule sa maîtresse n'est pas une hellène, mais en même temps elle ne fait pas vraiment partie de sa vie. Ce roman c'est son histoire, une tragédie au jour le jour dont le personnage principal n'est qu'un homme, avec ses petites mesquineries, mais aussi ses élans de grandeur inattendus.
Assez peu polar, mais plus roman noir à la sauce etats-unienne, ce roman relate, sur fond de meurtres de prostituées, la difficulté de vivre en tant qu'émigré au milieu des années quarante dans l'Amérique d'après-guerre. Que l'on soit de D.C. ou de la province, il faut nourrir sa famille, sauver les membres de son clan de la perdition, et si possible rester dans le droit chemin. Le style de George P. Pelecanos est léger malgré l'ambiance sombre, les personnages rient, parfois jaunes, et la narration plante parfaitement le décor de cette fresque contemporaine où les héros n'ont pas conscience d'en être. De très nombreux dialogues rythment le roman et amènent le texte au plus près d'un vécu quotidien. La langue parlée est ainsi constamment égrainée de mots ou de phrases en grec - rassurez-vous, lecteur non-hellènophone, l'auteur lui-même s'est chargé des sous-titres au sein de son récit. Ce petit clin dil à la culture est également renforcé par l'évocation d'un mode de vie typique et par l'élaboration de plats qui donnent l'eau à la bouche. Immersion garantie !