Les Chroniques de l'Imaginaire

Épaves - Goodis, David

Chester Lawrence, que tout le monde connait sous le nom de Chet, a grandi dans Ruxton Street. Une rue pourrie, viciée, sur laquelle Matt Hagen a main mise. Mais Chet s'en moque. Il vit là, mais ne s'occupe jamais des affaires des autres. Des gars tabassés dans un terrain vague alors qu'il passe à côté pour rentrer chez lui ? Il laisse faire. Des viols ? Il ne veut même pas en entendre parler. Dans sa jeunesse, il a fait partie de la bande de Hagen. Mais un jour, il a décidé de laissé tomber. Il n'a pas eu d'embrouilles avec la bande pour ça. Il vit simplement sa vie, dans sa rue, sans prendre la tête à personne, et sans rien demander à personne. Tout roulait pour le mieux, si on peut dire ça de la vie pourrie de Chet, mais au moins n'avait-il aucun problème avec personne. Alors pourquoi s'est-il arrêté ce soir-là quand il a entendu les appels à l'aide d'une jeune chinoise. Il s'est seulement arrêté, s'est inquiété de son état et lui a fait traverser la rue pour l'installer sur des marches. Mais ces simples geste vont changer sa vie à jamais.

Parce que, du coup, il a attiré l'attention de Hagen sur lui. Hagen qui aimerait bien savoir ce que Chet a pu dire à la chinoise, et ce que la chinoise lui a dit. Hagen qui rêve d'une rue de trouillards qui auraient peur de lui. Hagen qui sait que Chet n'a pas peur de lui. Il n'a aucun doute que Chet ne ferait pas le poids face à lui dans un combat, mais il sait qu'il n'a effectivement pas peur de lui. C'était déjà le cas plus jeune, aucune raison que cela ait changé avec le temps. Dommage pour Chet, parce que Hagen a vraiment des vues sur la chinoise, autres que simplement l'avoir violée une fois.

Si cette histoire vous rappelle quelque chose, c'est peut-être que vous avez vu le film Rue barbare, qui est une adaptation de ce livre de David Goodis. C'est marrant, il a été écrit en 1952 et pourtant, il n'a presque pas pris une ride. Il pourrait être toujours d'actualité pour toutes les banlieues pourries qui existent encore. Parce qu'il est autant un conte urbain que l'est le film. C'est une ambiance sombre, glauque, dégoulinante d'immondices, comme ces ruelles dans lesquelles on n'ose pas s'aventurer quand on n'est pas du coin. Bien sûr, la manière d'écrire, et certaines tournures de phrase, sont passées de mode, mais c'est bien tout ce qu'on pourrait reprocher à ce livre. Et aussi des erreurs de traduction, notamment dans les noms des personnages qui ne sont parfois pas à leur place dans l'histoire.

Sinon, le livre est vraiment une bonne histoire, qui fait froid dans le dos, qui peut se lire qu'on aime le film ou pas. Bien sûr, on aura les visages de Bernard Giraudeau et Bernard-Pierre Donnadieu en tête pendant la lecture si jamais on connait le film, mais on ne retrouvera pas forcément les mêmes personnages dans le livre, notamment concernant Chet. Le film est vraiment une adaptation, pas une lecture de l'histoire ligne à ligne.

En tous cas, c'est une lecture poignante, pas forcément gaie ni réjouissante, mais il faut parfois se rappeler que le monde dans lequel on vit n'est pas rose, loin s'en faut, et parfois juste à côté de chez nous.