Le secret dOrbae se présente sous la forme d'un somptueux coffret regroupant un portfolio contenant dix-huit illustrations et deux récits de voyages.
Le voyage de Cornélius nous présente Cornélius van Horn. Ce fils de marchands de draps est sur la route du retour après avoir conclu une transaction un peu rapidement : six ballots d'étoffe cachetés dont il n'a vu qu'un échantillon mais celui-ci l'a conquis. De la toile nuage, capable de changer de couleur au grès de celles du ciel. Une étoffe si légère, si particulière qu'il a payé tout de suite la marchandise qui doit lui être livrée ultérieurement. A présent, les doutes l'assaillent et il se demande s'il n'a pas commis une énorme erreur. C'est au fil de ces sombres pensées qu'il s'arrête dans une auberge pour y passer la nuit. Alors que l'aubergiste le conduit à sa chambre, il est subjugué par une peinture, celle d'un paysage représentant une montagne bleue. Son hôte lui révèle qu'il contemple les îles Indigo et leur célèbre montagne bleue qui se situent au centre de la terre d'Orbae. Là-bas poussent des herbes produisant des flocons semblables à des bourres de coton que l'on tisse afin d'obtenir un tissu incomparable : la toile nuage. De retour au comptoir parental, Cornélius attend en vain ses ballots sachant que personne ne veut croire en l'existence de cette étoffe si extraordinaire. Il décide alors de retourner voir l'aubergiste mais celui-ci est parti, laissant derrière lui à l'intention du jeune homme un carnet "Mémoire sur les îles Indigo" enveloppé dans une étoffe qui se révèle être la fameuse toile nuage. A partir de cet instant, Cornélius n'aura plus qu'un seul but : trouver la montagne bleue et en rapporter le tissu si précieux.
Le voyage de Ziyara nous invite à suivre les pas de Ziyara, jeune sauvageonne élevée par des parents aimants au-dessus de la ville de Candaâ. Le jour de ses quinze ans, elle supplie son père et obtient qu'il l'emmène avec lui voir la fête du Grand Retour à Candaâ. On y célèbre le retour au port des navires de la flotte, aux cales chargées d'épices merveilleuses. Mais surtout on y déguste le Pain des Vieillards, un pain très spécial. Son levain a plus de cent ans et sa pâte, une fois pétrie des épices rapportées, repose une année entière. Il a le parfum du Grand Retour de l'année précédente et on dit que celui qui en a mangé une fois ne peut l'oublier. Alors que Ziyara savoure son morceau, elle a la surprise de découvrir sous sa dent un minuscule dauphin d'ivoire. C'est ce dauphin qui va sceller son avenir car un texte fondateur annonce que celui qui le trouvera sera le plus Grand Amiral de la flotte de Candaâ. Ziyara n'a d'autre choix que d'embrasser son destin.
Comme leur nom l'indique, ces deux romans sont une invitation au voyage. On y suit les périples de deux voyageurs, un terrestre et l'autre maritime dont les routes finiront par se croiser et s'unir.
Au fil des pages, des descriptions des pays et paysages, j'ai éprouvé un sentiment étrange car si l'auteur invente clairement un monde nouveau, celui-ci trouve immanquablement des résonnances dans notre monde à nous. Impossible de ne pas penser à la Chine lorsqu'il nous décrit le pays de Jade ou à l'île de Pâques quand Ziyara découvre une île aux géants de pierre. C'est d'ailleurs perturbant parfois de ne plus savoir réellement si nous sommes dans un rêve ou la réalité. Mais c'est peut-être son but : nous emporter avec lui au fil des chemins et il y réussit merveilleusement.
Si on ne devait retenir qu'une seule chose de ces histoires, c'est que le plus important n'est pas le but du voyage mais le voyage en lui-même avec son lot de découvertes, surprises, rencontres. Celui qui ne voit que l'arrivée se prive du plus grand des plaisirs et risque de se perdre dans une quête sans fin.
Le coffret est splendide. On ouvre avec délicatesse cette boite magnifiquement illustrée pour y découvrir un portfolio contenant dix-huit splendides illustrations ainsi qu'une carte du monde. En le soulevant, on trouve deux carnets de voyages. Petit conseil : commencez par celui de Cornélius même si rien ne précise qu'il existe un ordre de lecture. Après la découverte des mots, je me suis plongée dans les images et c'était fascinant de voir à quel point la représentation rêvée suite à la lecture du texte se retrouve transposée avec justesse, comme si nous les avions nous-même vues et dessinées.
Récit de voyage passionnant, objet magnifique et pourtant, il manque un petit quelquechose pour que cet ouvrage soit parfait. Certainement parce que l'auteur s'est plus intéressé à la description d'un univers qu'aux personnages qui manquent de profondeur. Mais cela ne m'empêchera pas de rêver longtemps devant les illustrations de François Place.