Trois destins, trois époques, un point commun. Telle est la trame de Brasyl. Le roman est divisé en huit parties, elles-mêmes scindées en trois chapitres retraçant les aventures de trois personnages principaux. Les voici :
Marcelina Hoffman vit à Rio de Janeiro, et travaille pour une chaîne de télé brésilienne axée sur la télé-réalité, marché porteur en 2006. Ambitieuse et coriace, elle a l'idée d'une émission pour rebooster les audiences : faire le procès de Barbosa, le gardien de but qui a fait perdre le Brésil en finale de coupe du monde en 1950, et qui est depuis la honte du pays. Personne ne sait où il est. La mission de Marcelina ? Le retrouver et préparer l'émission durant laquelle il devra s'expliquer, et au final se faire juger par SMS par les télespéctateurs.
Le monde de 2032 est envahi par la technologie. La planète est surveillée par des drones aériens, les Anges de la Perpétuelle surveillance. Tout le monde porte des iSolaires, lunettes qui servent de moyen de communication, de pièce d'identité, de téléviseur... Et les arfids, puces d'identifications, sont implantées sur les voitures, les vêtements, et tout ce qui peut y passer. La surveillance est totale. Edson (alias Efrim lorsqu'il prend une identité féminine) vit dans les favelas de São Paulo, à gagner sa vie comme il peut. Mais lorsque son frère vole un sac de grande marque, il se voit contraint de faire appel à des quantumeiros, des spécialistes qui sont capables de craquer les codes quantiques des arfids plus élaborés.
Quant au père Quinn, c'est en 1732 qu'il est envoyé du Portugal vers le Brésil. Son rôle est d'aller à la rencontre du père Diego Gonzalvez afin de le ramener dans la discipline de l'Ordre, dont il s'est écarté. Il devra faire la route avec Robert Falcon, un géographe soupçonné d'être un espion à la solde du royaume de France.
Les trois histoires alternent donc, et sont suffisamment distinctes de par l'époque et par le style pour que les différents contextes restent clairs. Elles avancent longtemps en parallèle, et ne présentent rien en commun au départ, tout en étant aussi attrayantes les unes que les autres. Mais au fur et à mesure, on se rend compte de détails qui reviennent dans les différents récits, jusqu'à ce qu'il devienne évident que c'est la physique quantique qui relie ces trois destins. L'aspect scientifique prend donc une importance croissante dans le roman, et on s'attend à ce que le reste suive et que la science-fiction prenne toute sa place ! Eh bien pas du tout. Juste au moment où la conjonction entre les trois récits se fait (et cela prend tout de même 300 pages), le roman perd une grande partie de son intérêt. On sent que l'auteur est dépassé par son manque de connaissances scientifiques et qu'il choisit de pencher vers la sorcellerie, le mysticisme, la drogue, appelez-ça comme vous voudrez. Je ne peux guère en dire plus pour ne pas dévoiler le dernier tiers du roman, mais toute l'excitation suscitée par la moitié du récit retombe assez vite, par manque de punch et d'inventivité de la part de l'auteur. Les intéractions sont insuffisamment exploitées. Quant aux explications sur la physique quantique, je citerai Edson à qui cela cause "une grosse crampe au cerveau". Mais à la limite peu importe, ces explications sont répétées assez souvent, avec un vocabulaire relativement accessible, et de ce fait la compréhension de l'histoire et des implications entre les trois époques n'est pas ce qui pose souci.
En plus de la déception quant à la tournure que prennent les évènements, qui m'est évidemment toute personnelle, je déplore la traduction qui manque de rigueur. Certaines phrases, même décortiquées grammaticalement, ne veulent strictement rien dire. Il me semble que le traducteur a eu du mal lui-même à comprendre le texte, et qu'il a dû se débrouiller comme il pouvait. Heureusement ces incidents sont mineurs.
Au final ce roman ne me laissera pas un souvenir impérissable. Je le juge trop long et pas assez audacieux. Mais je souligne tout de même l'effort de Ian McDonald pour s'imprégner de la culture locale, et notamment du vocabulaire. En tant que lusophone, je peux lui tirer mon chapeau.