Les Chroniques de l'Imaginaire

Rifteurs (Starfish - 2) - Watts, Peter

Quand Lennie Clarke met le pied sur le continent nord-américain, après l'énorme séisme qui a balayé sa côté ouest, elle ignore totalement le danger dont elle est porteuse, et elle est obsédée par l'idée de rentrer chez elle, et de retrouver ses parents, si c'est possible.
Son arrivée n'est pas passée totalement inaperçue : les corpos, attentives à la moindre émergence de Béhémoth, surveillent toute la côte par drones interposés ; les réfugiés entassés dans cette zone, et qui ne sont pas tous abrutis par les tranquillisants inclus dans les rations alimentaires, sont curieux de cette amphibie, et prêts à la transformer en icône de leur révolte contre la société qui les exclut ; enfin, la faune du Maelström n'hésite pas à utiliser son nom.

Cette suite de Starfish est tout aussi intéressante, ce qui est un tour de force. Certes, l'atmosphère si particulière du fond de l'océan, ajoutée au nombre plus que restreint de protagonistes, est absente de cet opus qui se déroule presque entièrement sur la terre ferme, et permet de constater que Peter Watts sait aussi créer des personnages secondaires marquants (Armitav, Gord...). Le ton aussi est différent, puisque l'auteur donne voix ici, notamment dans les passages du Maelström, mais aussi par le personnage d'Alice Jovellanos, à un humour qui allège un peu l'ambiance de fin du monde qui pèse sur l'ensemble de l'histoire.

A ce propos, le fait que le roman se déroule dans un environnement aérien permet aussi à l'auteur de nous détailler davantage l'état du monde dans lequel il prend place : les grands ensembles politiques ne sont plus vraiment ceux que nous connaissons, les gouvernements nationaux ont moins de pouvoir que les grandes sociétés multinationales, et l'idée même de médias indépendants semble avoir disparu. C'est crédible, et même si certains passages rappellent sans ambiguïté que l'auteur est un scientifique, et signent l'appartenance du roman à la Hard Science, le soin apporté à la construction de l'intrigue et des personnages en fait un objet littéraire plaisant pour tout lecteur de SF. Il est de surcroît servi par une traduction idéale, et un travail d'édition sans défaut sur le plan de la langue, ce qui est hélas assez rare pour mériter d'être souligné. On ne peut que regretter le titre français, auquel on peut certes trouver du sens, surtout dans les dernières pages, mais qui est bien moins évocateur et pertinent que le titre d'origine.