Ô vieillesse inéluctable, fléau des vivants, tu t'attaques indifféremment à Isaac Asimov ou à son robot le plus atypique, et tu amènes avec toi déclin et mort. Cette mortalité inéluctable, c'est ce qui fait d'un homme, ou d'un robot, qu'il est un homme. Mais pour la survie de l'espèce, les hommes se doivent de fuir cette mort : les présidents préfèrent se faire représenter par des androïdes dans les manifestations publiques et l'humanité recherche des planètes biocompatibles pour un nouvel établissement, quand elle n'a pas déjà colonisé le fond des océans ou les sous-sols lunaires... Cependant il arrive parfois que le système se dérègle : un humain perd la tête et sa peur lui fait envisager le suicide ou la suppression de ses semblables, pour que l'attente angoissante de la mort inéluctable s'arrête. Dans ces cas extrêmes, un robot centralisateur, une lipoprotéine de triage ou de la musique negro spiritual, n'importe quoi peut faire l'affaire pour protéger les êtres humains d'eux-mêmes.
A la lecture de ce recueil, le lecteur n'a plus aucun doute. Personne ne peut mieux parler de science-fiction que son maître incontesté, l'inventeur de la robotique littéraire. Dans cet ouvrage d'auto-hommage à onze nouvelles et un poème, Isaac Asimov a permis à ses lecteurs de 1976 (et des années ultérieures - la preuve en est cette réédition chez Folio SF) de comprendre un peu mieux les mécanismes qui sous-tendent ses réflexions créatrices. Illustration d'un contenu que l'on n'a plus besoin d'encenser, le métatexte de L'Homme Bicentenaire oriente le fan ou le profane à travers les méandres de la pensée asimovienne : commandes, productions spontanées, détournements d'idées, tout lui est excuse à une production fictionnelle variée et toujours fascinante. Dans une langue dépourvue de fioritures qui met en avant les péripéties et les dialogues qui donnent du relief à ses contes, Asimov convainc, même le lecteur peu féru de SF. Car on est emballé comme un paquet cadeau par l'ardeur de la narration. A conseiller donc à tout lecteur échaudé qui craindrait l'eau refroidie par un robot !