Les Chroniques de l'Imaginaire

Nocturnes - Cinq nouvelles de musique au crépuscule - Ishiguro, Kazuo

L'écriture douce et maîtrisée de Kazuo Ishiguro a le don de nous transporter instantanément, et Nocturnes ne faillit pas à la règle. A travers les cinq nouvelles qui composent le recueil, l'auteur nous emmène à la rencontre de passionnés de musique, joueurs ou auditeurs, à un moment précis de leur vie.

Crooner : alors qu'il joue de la guitare avec un groupe sur la Piazza San Marco de Venise, Jan reconnaît parmi les clients en terrasse le crooner que sa mère adulait : Tony Gardner. Ce dernier demandera à Jan de l'accompagner pour chanter la sérénade à sa femme.

Advienne que pourra : Ray part pour quelques jours à Londres, afin de rendre visite à un vieux couple d'amis. Mais sa présence n'est visiblement pas la bienvenue, et les moments de complicité passés avec Emily à écouter du jazz à l'université semblent bien loin.

Les collines de Malvern : un jeune guitariste qui a quitté ses études pour se consacrer à sa musique décide de passer quelques temps chez sa soeur et son beau-frère, qui tiennent un café à la campagne, dans les collines. La cohabitation se passe plus ou moins bien, et le jeune homme passe des heures à s'entraîner dans la nature. Il fait la connaissance d'un couple de musiciens en vacances.

Nocturne : Steve est un saxophoniste talentueux, mais a du mal à percer dans le milieu. Son manager ne voit qu'une solution, le faire passer entre les mains d'un chirurgien, persuadé que son manque de reconnaissance vient de son physique ingrat. Après l'opération, Steve doit demeurer dans un grand hôtel, et a pour voisine de chambre Lindy Gardner, l'ex-épouse d'un certain crooner.

Les violoncellistes : Jan aperçoit cette fois, parmi la foule de touristes, un musicien qui avait anciennement fait partie de son groupe. Cet homme, Tibor, s'était petit à petit éloigné d'eux à cause d'une américaine qui lui donnait des cours particuliers de violoncelle.

Toutes ces nouvelles ont en commun la musique, de toute évidence. Kazuo Ishiguro ne parle que très peu de technique, même si la terminologie, les réflexions et les références musicales sont très présentes. Ce qu'il met avant tout en avant, c'est l'émotion. La complicité qui réunit les êtres autour de la musique, le bonheur de jouer, la joie d'écouter. Tous les personnages sont seuls dans le fond, mais ils trouvent toujours un interlocuteur grâce à la musique, qui est fédératrice, même si l'osmose n'est que temporaire. Un autre point commun est la mélancolie omniprésente des personnages, perdus face aux décisions à prendre, aux déceptions de la vie. La narration à la première personne, excepté dans la dernière nouvelle, exacerbe la dimension intimiste de ces histoires et la tristesse qui émane des personnages. Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, ces tranches de vie n'ont rien de déprimant, et apportent au contraire toujours de l'espoir. Un peu de folie aussi.

Nocturnes est un recueil de nouvelles toutes simples en apparence, mais elle se dégustent avec délectation, tant par la justesse des émotions que par l'exceptionnelle qualité de l'écriture. Les admirateurs de l'oeuvre de Kazuo Ishiguro ne seront pas déçus. Pour ma part, j'ai déjà envie de les relire.