Les Chroniques de l'Imaginaire

Royal Aubrac (Royal Aubrac - 1) - Bec, Christophe & Sure, Nicolas

En hiver 1906, l'insouciance et la folie de la jeunesse semblent déjà bien loin pour François Peyregrandes, malgré ses vingt-et-un ans. Atteint de la tuberculose, il se voit contraint de mettre de côté ses études à l'école des Beaux-Arts de Toulouse et d'intégrer le sanatorium de Royal Aubrac, tenu par un ami de son père. Perdu dans les montagnes enneigées, le "plus bel hôtel climatérique de France" accueille une clientèle aisée, venue prendre le grand air dans les cas les moins graves. Ou mourir à petits feux pour les cas désespérés.

Dès son arrivée, François ressent cette atmosphère de mort et de souffrance. Une tache de sang persistante sur la moquette, des chambres dépouillées, meublées du strict nécessaire afin de faciliter les désinfections. Tout rappelle la mort, jusqu'à la première question du médecin : qui appeler en cas de décès ? Pas très rassurant tout ça, pour un jeune homme qui espère sortir d'ici peu, guéri. Heureusement, son voisin de chambre anglais, Warren, s'avère amical et d'excellente compagnie. Il lui explique le fonctionnement du sanatorium et lui présente les autres patients, parmi lesquels se trouvent de fervents optimistes. La présence d'une jolie jeune fille donne aussi à François de quoi occuper ses pensés loin des tracas de la maladie.

L'intrigue est donc aussi simple que cela : la vie de François dans un sanatorium. Il est vrai que présenté ainsi on peut se demander l'intérêt de la BD. Eh bien aussi étonnant que cela puisse sembler, c'est terriblement prenant. Il ne se passe pas grand chose, il y a même de longues descriptions sur les maladies des uns et des autres, et lorsque le médecin explique à François ce qu'il a on a envie de lui demander une traduction, mais on est pris dans l'histoire quand même. Il faut dire que les personnages sont extrêmement attachants, à commencer par François qui voit son rêve de devenir un grand artiste se réduire comme peau de chagrin. Warren attire aussi notre sympathie, lui qui sous ses airs de grand gaillard athlétique couve une santé si fragile. Les dessins sont aussi très beaux, soignés, et très épurés. La solitude, la désolation et la maladie se ressentent rien qu'en regardant les planches. Les traits sont nets, les décors peu fouillés, en cohérence avec l'objectif de purification du sanatorium. Quant aux couleurs il y a une dominance de blanc, de gris, de beige, des tons qui inspirent la maladie. Mais pour les décors uniquement, les patients ont souvent un teint rose et une mine de bien portant. C'est ce qui fait que Royal Aubrac n'est pas une histoire de personnages malades, mais de personnages dans un lieu de maladie.

L'histoire est racontée par François, qui parle d'un souvenir. Il y a donc une voix off, qui vient se poser sur les jours qui passent, avec douceur. C'est le sentiment que j'ai en fermant cet ouvrage, une certaine sérénité. Malgré la présence omniprésente de la maladie, François et Warren profitent sans se poser plus de questions que nécessaire. Comme le dit l'Anglais, ce sont des "stoïques". Pour l'instant rien de particulier n'est arrivé, mais la fin de l'ouvrage laisse présager une suite plus mouvementée...