Derguin Gorion est amer. A un cheveu de devenir un grand guerrier, et malgré ses dons innés pour le combat, il s'est fait exclure de l'école qui lui aurait permis de réaliser ses rêves. Depuis son retour, son père le méprise ; ou tout du moins, en est-il persuadé vu que ce dernier ne lui a quasiment pas adressé la parole. Mais le destin est en marche et un avenir plus que prometteur lui a été dévolu... A la veille de l'an mil, de puissantes forces obscures se mettent en branle pour détruire l'équilibre du monde, et dans cette course effrénée pour la pérennité de la Tramorée, le jeune Gorion aura plus que son rôle à jouer.
Car sur tout le continent, les tahédorans de neuvième grade sont rares. L'un d'entre eux se nomme Kratos May. Son nom est connu sur toute la surface du globe et si les choses s'étaient déroulées selon les règles de l'art, il serait le second du Zémalnit, le guerrier le plus puissant du continent. Mais Kratos May n'est pas assez fourbe pour s'opposer à l'influence d'Apérion. Quand le possesseur de Zémal, l'Épée de feu, vient à mourir dans des conditions plus que suspectes, Apérion s'est déjà assuré le soutien des Hordes Rouges, et veut interdire à Kratos May de se présenter comme candidat à la prestigieuse épée. Kratos fuit son foyer après avoir vu son meilleur ami torturé et sa concubine décapitée. Une voix dans sa tête lui intime alors de se rendre en forêt de Corocin pour y payer une dette vieille de plusieurs décennies.
Non loin de Zirna où Derguin désespère, Yatom le kalagorinor est en train de mourir. Il a choisi pour disciple Mikhon Tiq, un jeune guerrier qui s'est lui aussi fait renvoyer d'Uhdanfioun. Au moment de pousser son dernier souffle, c'est en ce jeune-homme un peu frêle qu'il décide d'insuffler sa syfrön, son âme immortelle porteuse de pouvoir. Et il le charge d'une mission : retrouver Linar, un mage de sa confrérie dont il n'a plus de nouvelles depuis des centaines d'années, afin que ce dernier reprenne les rênes de son éducation. Au tréfond de l'esprit de son élève, Yatom laisse par ailleurs un message pour son frère et ami : celui-ci doit se faire payer en son nom la dette de sang qu'un puissant guerrier du nom de Kratos a envers lui. Il faut absolument réussir le convaincre de finir la formation ès armes de Derguin Gorion. Car ce dernier doit à tout prix acquérir le septième grade, devenir tahédoran et ainsi avoir le droit d'entrer en lice pour Zémal.
Telles sont les prémices des Chroniques de Tramorée. On reconnaît chez Javier Negrete la patte des grands maîtres du genre : une culture immense qui lui permet de créer des personnages et des peuples à l'image de certaines civilisations antiques sans jamais éveiller notre ennui, une écriture fluide, précise et sans fioritures qui lui donne les outils pour mettre en scène un décor fantasy envoûtant, livré au lecteur sous forme de bribes géographiques et historiques jamais inutile qui l'emportent dans un imaginaire peuplé de dieux, de mages, de guerriers et d'animaux fabuleux, un travail fouillé sur l'intrigue qui place sans heurts une double trame de roman d'apprentissage avec deux personnages principaux jeunes et attachants, entourés de mentors charismatiques... Bref Negrete a signé avec Zémal, l'Epée de feu un premier tome trépidant qui présage, je l'espère, la suite de la saga.
