Les Chroniques de l'Imaginaire

Vertige - Thilliez, Franck

Jonathan Touvier est ce qu'on peut appeler un alpiniste émérite. Et pour cause... L'homme a déjà parcouru la quasi-totalité des plus hautes montagnes de la planète, aidé en cela par son ami de toujours, Max Beck. Un homme mort en montagne, justement, sous les yeux de Jonathan... Aujourd'hui, Jonathan se réveille dans l'obscurité. Il a été drogué, assurément, et le voilà purement et simplement au fond d'un précipice, avec rien à manger. Une tente est bien présente, avec des sardines solidement ancrées dans le sol, mais elle ne protègera pas beaucoup du froid glacial environnant. Le pire n'est pas là, puisque Jonathan est entravé au niveau du poignet droit. Une lourde chaîne limite donc ses mouvements sur une surface de quelques mètres carrés.

Rapidement, Jonathan s'aperçoit qu'il n'est pas seul. Il fait la rencontre bienheureuse de son chien, Pok, son fidèle compagnon de toujours, une race de chien proche des loups. Et puis, il y a aussi deux compagnons d'infortune : Farid est un caïd de la banlieue lilloise, fier mais également très frêle, et Michel est un solide gaillard dont on ne saura rien du visage, car il porte un masque de fer impossible à ôter... Les trois êtres portent chacun une inscription sur le dos, laissant apparaître que dans les trois protagonistes, il y aurait un menteur, un voleur, et un tueur...

La personne qui les a amenés là est bien énigmatique... Les trois compagnons vont devoir maintenant s'entraider, et faire avec les moyens du bord... La seule obsession commune, à présent, est de survivre... Et il va falloir commencer par économiser les quelques bouteilles de gaz dans ces profondeurs... En gardant de quoi faire fondre la glace pour boire. Il va falloir survivre, et lutter contre les instincts les plus primaires, qui montent inévitablement lorsque, au bout de quelques jours, la faim devient dévorante, autant pour les hommes que pour le chien...

Nous en sommes au dixième roman de Franck Thilliez depuis 2004 : plus de un par an, après le diptyque Le syndrome [E] et Gataca. Ici, nous quittons les polars et les enquêtes rigoureusement ficelées. Nous ne sommes plus en compagnie de Franck Sharko ou de Lucie Hennebelle, mais c'est bien à un huis-clos sanglant et implacable que nous avons à faire...
Le dernier huis-clos en date de Franck Thilliez se situait du côté de la forêt noire, en Allemagne, avec La forêt des ombres. Ici, l'auteur réitère avec uniquement trois personnages, dont on suivra la lutte pour la survie au fond d'un gouffre, durant une dizaine de jours, et plus de 300 pages. De quoi fouiller les tréfonds de l'âme humaine, en proie au désespoir le plus profond, et aux luttes les plus intestines pour un simple verre d'eau, ou un morceau d'écorce d'orange. L'homme devient bête sauvage pour sa survie, et c'est ce que Franck Thilliez voulait mettre en avant dans ce roman.

Celui-ci est absolument extraordinaire. Une fois démarré, il est impossible de ne pas étirer les soirées pour le finir au plus vite. Il faut savoir, à tout prix. L'ensemble n'est pas sans faire penser à un film comme Saw (le premier du nom, pas les innombrables suites qui ont maladroitement surfé sur son succès par la suite), ou à un livre comme Jessie de Stephen King. Franck Thilliez franchit encore une étape avec ce livre, et prouve que la formule des chapitres courts et haletants fonctionnera toujours aussi bien avec son lectorat.

Un livre à côté duquel tout amateur de thriller ou de huis-clos ne pourra évidemment pas passer !