Les Chroniques de l'Imaginaire

Troisième complainte (Notre mère la guerre - 3) - Kris & Maël

Nous sommes en mai 1917, dans une tranchée, quelque part en première ligne. Des chars sont désormais utilisés pour traverser les tranchées et pouvoir surprendre les allemands par derrière. L'un d'entre eux, Eglantine, parvient à se détacher et à éviter les tirs des avions allemands. L'enfer est sur terre, car de nombreux soldats sortent des chars pilonnés, en brûlant sur place. Vialatte faisait partie de ce convoi, et se réveille maintenant à l'infirmerie, en compagnie d'un de ses soldats, Desloches.

Roland Vialatte se retape donc, doucement, grâce aux bons soins prodigués par Eva, une jolie infirmière. Roland reçoit bien vite la visite de Janvier, qui a réussi à retrouver sa trace. Avec l'affaire du tueur des tranchées, c'est toute une section (celle de Peyrac) qui a été envoyée à la mort. Ainsi, c'est la mémoire de bien des hommes qui risque d'être à jamais bafouée. Alors, Janvier demande à Vialatte d'enquêter sur le passé de tous les hommes de la section Peyrac.

Et pour la plupart, ce sont des hommes qui sont d'anciens prisonniers, que le gouvernement faisait sortir de prison pour aller rencontrer l'enfer, le tout en promettant la liberté et moultes merveilles à ces prisonniers... L'enquête emmène également Vialatte et Desloches vers Varlot, un soldat fils d'une ancienne prostituée, Eugénie Varlot. Il se trouve vite que le Varlot en question n'était pas un homme, mais une fille, qui a réussi à se retrouver dans une escouade sur le front ! Chose incroyable s'il en est, mais qu'est-ce-qui a pu pousser une jeune fille déséquilibrée à se retrouver volontairement dans les tranchées ?

Cette troisième complainte pose un certain nombre de questions, certes, mais elle répond également à d'autres. Ainsi, on sait d'où vient cette Eva qui veille sur le Roland grabataire qui raconte cette histoire à un curé, ne l'oublions pas. Le scénario de Kris reste totalement intéressant et fouillé, dans la droite lignée de ce qu'on avait pu voir dans les deux premiers tomes. Les personnages, même secondaires, restent charismatiques et travaillés, ce qui explose évidemment l'intérêt du livre et qui justifie son coup de coeur (comme pour les deux tomes précédents).

Côté dessins, c'est avec plaisir qu'on retrouve les couleurs de Maël, depuis qu'on y est habitués (jetez encore une fois un oeil sur L'encre du passé ou Les rêves de Milton chez Dupuis Aire Libre si ce n'est pas encore fait...). Certaines cases, notamment dans les tranchées, sont magnifiquement mises en mouvement et nous plongent parfaitement dans cette ambiance d'apocalypse. D'autres pages de dialogues donnent l'occasion d'admirer des bâtiments à l'architecture ancienne. L'ensemble sent la documentation à plein nez, en tout cas.

Et en parlant de documentation, voilà une série qui pourra tout à fait en faire office : c'est à mettre entre toutes les mains, avec une histoire qui parle de petites histoires à l'intérieur de la grande. En cela, des gens comme Kris ou Galandon excellent.