Ulma Tor contre Mikhon Tiq, le nécromant contre le kalagorinor, voilà un vrai combat de mages ! Beaucoup moins sobre et impressionnant que ce l'on pourrait l'imaginer... Griffures, grognements, morsures, lancés de jambe visant des parties sensibles, tous les coups bas sont permis. Face à ce déferlement d'agressivité, Derguin Gorion est contraint à l'inaction. C'est totalement impuissant qu'il assiste à la défaite de son ami. L'âme magique de Mikha, sa syfrõn qui lui permet de vivre alors que les battements de son cur ont cessé, lui est arrachée par le mage démoniaque. Cette scène vous évoque quelque chose ? Il s'agit de l'un des derniers chapitres de Zémal, l'épée de feu, premier tome de la saga de Tramorée.
Negrete reprend ici ce passage pour en faire l'élément fondateur de son deuxième volet. Mais rassurez-vous il en tire un nouveau volet, dans lequel on suit non pas le parcours de Derguin, mais celui de Ulma Tor. Ce dernier s'enfuit, fortement affaibli par le combat qu'il vient de livrer. Sous forme de chauve-souris, il survole tout le continent, avec l'intention de rejoindre son antre pour se remettre de ses blessures, et pour analyser ce qui vient d'arriver. Cependant la syfrõn étrangère qui a élu domicile dans son esprit lui brouille les sens. Il perd de plus en plus de forces, et se retrouve totalement démuni quand le Roi Gris l'attire jusque dans sa tour. Il est capturé, torturé par de mystérieuses forces électromagnétiques, et dépossédé de l'âme magique de Mikhon Tiq. Seul, il se morfond : y aura-t-il quelqu'un pour le sortir de ce mauvais pas ? Et surtout, quand ?
A plusieurs milles de là, Ariel découvre les joies et les déconvenues de la vie en mer. Après avoir empêché le viol du jeune garçon par ses camarades de bord, son maître le Navarque l'emmène à Narak où Ariel rencontre Derguin Gorion, le Zémalnit. Par un curieux concours de circonstances, il va se retrouver page du plus célèbre guerrier de Tramorée et le suivre dans ses aventures extravagantes. Car Derguin ne s'est toujours pas remis de la perte de Mikha. Suite à des rêves étranges qui le conduiront tout droit en prison, il se jettera corps et âme à la recherche de la syfrõn perdue.
Non loin de là sur le continent, Kratos et ses hommes parcourent des distances phénoménales pour rejoindre Malib, et sa reine divine, le nouvel employeur de la Horde Rouge. Mais le tahédoran aux neufs marques s'inquiète. Une blessure à l'épaule l'empêche de manier l'épée comme il le devrait. Si par hasard quelqu'un l'apprend, il sera très certainement relégué au rang d'objet inutile. Que deviendra-t-il alors, lui dont le seul but dans la vie est le combat ?
Plus au Sud, un jeune garçon du nom de Darkos s'apprête à vivre les pires heures de sa vie. Une puissante armée de nomades est en marche sur sa ville, la noble et libre Ifaltar. Pourtant lui ne se préoccupe que de fanfaronnades et de petits coups dil furtif sur les adultes qui copulent dans les bois. Par jeu, ses amis et lui décident de repousser les limites de l'interdit en gravissant la Tour du Sang. Il est loin de se douter que les horreurs qui lui seront montrées cette nuit-là ne sont qu'une infime part prémonitoire de ce qui l'attend.
Et finalement, au château, Subiluntar, le dévoué gouverneur, se morfond, seul depuis des décennies. Son fortin bien aimé est prêt au combat, les soldats sont armés, et tous les habitants sont impatients de se frotter à un ennemi... qui n'arrive jamais. Un vide sombre et inerte a englouti les environs. Le monde extérieur réapparaîtra-t-il un jour ?
De nombreuses interrogations qui fort heureusement trouveront leur réponse dans les quelques neuf cents pages qui composent Syfrõn, l'âme du mage. Un nouvel opus fleuve passionnant dans la non moins envoûtante Chronique de Tramorée. On est tout d'abord très positivement surpris, et enchanté, de retrouver en introduction de ce nouveau volet, un chapitre du premier tome et de suivre le parcours d'un autre personnage. Un procédé ingénieux qui permet au lecteur de reprendre le fil de l'histoire là où il l'avait laissé. Dommage donc que ce filon ne soit pas exploité plus longtemps. On perd ensuite le fil dès le chapitre suivant pour rencontrer de nouveaux protagonistes plutôt secondaires (Narsel, Ariel et Darkos), et l'on ne retrouve nos bien-aimés Derguin qu'à la page 61, et Kratos à la 73ème. Le choc est rude et le lecteur un peu perdu. Mais s'il s'acharne, il aura le plaisir de lire ce roman en triptyque dans lequel s'insère ici et là un mystérieux château (quatre incursions seulement) qui titille notre curiosité. Et il assistera de surcroît à la plus incroyable bataille jamais menée de mémoire de peuplades antiques. Car c'est cela aussi, luvre de Javier Negrete: un hommage vibrant à l'Antiquité, à ses dieux, ses armes et ses hommes. Bref, une fois dépassée la première surprise, on raccroche au texte, et on se délecte jusqu'au dernier mot des péripéties de nos héros.