Les Chroniques de l'Imaginaire

Habemus Papam

Le Pape est mort. Les cardinaux doivent se réunir en Conclave afin d'élire le nouveau chef de l'Eglise. Le favori, le cardinal Grégori, se détache lors des premiers tours de scrutin mais ne parvient pas à réunir la majorité de voix suffisante, et c'est donc une fumée noire qui sort du Vatican, encore et encore. Jusqu'à ce que la fumée soit enfin blanche ! Ca y est, un nouveau Pape est choisi, le cardinal Melville ! Les fidèles exultent sur la Place Saint Pierre lorsque le moment est venu de la présentation à la célèbre fenêtre entourée de rideaux de velours rouge.

Mais le Pape n'apparaît pas. Seuls, les cardinaux assistent à sa crise d'angoisse. D'abord un cri, puis une cavalcade dans les couloirs de la résidence pontificale, en quête d'une pièce où s'isoler, à l'abri de sa nouvelle responsabilité. Mais il est trop tard, il est Pape maintenant ! Le secret de son angoisse doit être gardé secret, aucune information ne doit filtrer, si bien que lorsque les cardinaux font appel à un psychologue celui-ci est obligé de rester dans l'enceinte du Saint-Siège. Ironie du sort, le Pape arrive pourtant à s'échapper alors qu'il était emmené en consultation à l'extérieur. Cette fuite va être pour lui l'occasion de revenir sur sa vie perdue, celle qu'il n'a pas eue à cause d'un casting raté. Les joies et les rencontres qu'il n'a pas connues, il va tenter de les goûter auprès d'une troupe de théâtre à Rome. Mais le goût des illusions perdues est amer. Dans le même temps, l'inquiétude ne domine pas au Vatican, au contraire. Le psychologue occupe son temps en essayant d'occuper les cardinaux, notamment en organisant un mémorable tournoi de volley opposant les différents continents.

Entre la légèreté du psychologue, joué par Nanni Moretti, et la dépression du Pape, joué par Michel Piccoli, on passe constamment du rire aux larmes. Savant dosage pour un film qui traite d'un sujet grave, surtout en Italie : un Pape qui n'a pas du tout envie d'être Pape ! Le poids des responsabilités lui tombe dessus, l'accable, remet toute sa vie en question. Il est totalement perdu. Michel Piccoli joue formidablement son rôle, quel déchirement de l'entendre crier son désespoir la nuit, de le voir incapable de dire pourquoi il ne peut pas. La performance de l'acteur est exceptionnelle ! Quant à Nanni Moretti c'est la bouffée d'oxygène du film, avec son humour cynique mais à-propos, son athéisme qui le pousse à parler aux cardinaux avec respect mais sur un pied d'égalité. Il n'avait pas été prévenu qu'il ne rentrerait pas chez lui et on ne lui donne à lire que la Bible, qu'il décortique pertinemment devant les cardinaux. Ces derniers apparaissent d'ailleurs très humains : ils rient, se mettent en colère, jouent, comme tout le monde. Et ils s'émerveillent quand ils voient le rideau de la chambre du Pape bouger, même humanisés ça reste des cardinaux.

Habemus Papam est un excellent film, au thème osé mais traité avec intelligence et émotion, qui donne une image de l'Eglise nettement moins austère que celle qu'elle laisse paraître. Et pour qui ne connait pas le cinéma de Nanni Moretti c'est une belle façon de commencer.