Le diable a décidé de fabriquer un miroir bien particulier : tout ce qui s'y reflète est déformé, laid, triste, sale. C'est un miroir qui révèle tout ce qui sommeille de pire dans les choses et les gens. Les démons s'amusent beaucoup avec ce nouveau jouet, si bien qu'un jour il se casse. Des débris de miroir tombent alors sur la Terre et viennent se nicher dans le coeur et les yeux de certains hommes.
Kay va recevoir un éclat dans l'oeil. Lui qui était un garçon adorable, surtout avec sa meilleure amie Gerda, devient du jour au lendemain cruel, colérique, moqueur et insensible. Jusqu'au jour où il croise le traîneau magnifique d'une femme plus splendide encore, toute de blanc vêtue. Il y accroche sa petite luge, et disparaît du village. Inconsolable, Gerda se lance à la poursuite de son ami...
Le célèbre conte d'Andersen est ici mis en images par Stéphane Blanquet - à qui l'on doit le magnifique et dérangeant Les bêtes d'ombre, un conte métaphorique évoquant le génocide rwandais. Ses illustrations redonnent une seconde vie à La reine des neiges en faisant ressortir toute la poésie ténébreuse de l'histoire. C'est un ouvrage loin d'être enfantin que l'on tient entre les mains, et il sera donc intéressant de le proposer aux enfants en regard des versions plus lisses auxquelles ils sont habitués. Ici, les illustrations font plonger en plein cauchemar : les couleurs sont sombres, les visages grimaçants, les yeux écarquillés, les traits torturés... La pénombre des scènes où Gerda enquête sur la disparition de Kay tranche avec la luminosité aveuglante du royaume des neiges.
On peut apprécier ou non ce parti pris esthétique, mais cet album a le mérite de ne pas édulcorer la noirceur du conte, et de proposer une version qui change de ce qu'on trouve habituellement dans les rayonnages. En soit, c'est déjà une réussite !
