Les Chroniques de l'Imaginaire

Arcadia - Groff, Lauren

A la naissance, le bébé était si petit qu'on l'a surnommé Pouce, comme Tom Pouce. Premier né d'une communauté hippie, Pouce a vécu les premières errances d'une poignée de nomades, l'aménagement d'un grand domaine - nommé Arcadia - dans la joie et le travail laborieux malgré les difficultés, puis hélas le déclin de l'esprit dans lequel il avait été élevé et l'explosion de la communauté.

Ce roman, entièrement centré sur le personnage de Pouce et abordant les choses selon son point de vue, est découpé en quatre grandes parties. Garçonnet de six ans, Pouce est un enfant heureux : il fait certes très froid dans Arcadia, d'autant que les moyens manquent pour s'habiller et se chauffer, mais Pouce n'en a cure, réchauffé par les relations humaines chaleureuses d'un petit groupe motivé et soudé. Encore naïf, il ne saisit pas encore tout ce qui se passe autour de lui, mais il incarne déjà l'esprit d'Arcadia.
Ensuite, on fait la connaissance de Pouce adolescent. Pour lui, c'est la puberté et l'amour qu'il voue discrètement à son amie Helle. Pour les Etres Libres d'Arcadia, c'est déjà la fin : vérolée par un afflux de "touristes" qui dénaturent l'esprit d'Arcadia, en proie aux fantaisies d'un leader qui a également perdu de vue ses objectifs initiaux, embrumée par la drogue, la communauté sombre brutalement...
On va ensuite retrouver Pouce adulte : il a fini par s'intégrer dans le monde réel, le monde du Dehors, en tant que prof de photo, mais il reste perdu et fragile, déstabilisé par la disparition de sa femme et ne se raccrochant qu'à la présence de sa fille.
Ce n'est qu'une fois atteint la cinquantaine que Pouce va finir par se retrouver. Le monde futur (et oui, les enfants nés en 1968 n'atteindront le demi-siècle qu'en 2018 !) dans lequel il vit tourne de plus en plus mal : désastres climatiques, pandémie... C'est là pourtant que Pouce va réussir à retrouver la paix et l'esprit d'amour et de liberté dans lequel il a été élevé.

Si Pouce petit garçon ne suscite pas encore un énorme intérêt, le lecteur s'attache à lui au fil de son évolution, pour finir par ressentir réellement les mêmes choses que lui. Ayant eu du mal à plonger dans cet ouvrage, je n'ai ensuite plus pu le lâcher, emportée en même temps que le héros. Car Pouce est quelqu'un de très attachant : très doux, très gentil, il a une âme d'artiste et est surtout profondément humain et voir se dérouler sa vie est un régal. D'autant que la vie ne l'épargne vraiment pas beaucoup !
J'ai également aimé la description de la communauté : on imagine très bien ce groupe qui survit avec de faibles moyens mais toujours dans la bonne humeur, en "libérant" des cartons de marchandises à l'arrière des entrepôts ou en faisant pousser de la marijuana...

Le style de Lauren Groff est très plaisant. L'insertion des dialogues directement dans le texte peut surprendre, mais dans l'ensemble c'est facile à lire et plutôt poétique dans la manière de présenter les choses. Une agréable plongée dans l'univers hippie.