Les Chroniques de l'Imaginaire

Minus - Rica

En ce moment, Minus se réveille toujours un peu plus tôt que le réveil. Pas grand-chose, cinq minutes, mais ce sont toujours cinq minutes de foutus. Du coup, la branlette du matin se fait plus tôt. Et puis après il y a les deux heures obligatoires pour émerger avant d'aller au boulot. Eh oui, Minus a un boulot. Trouvé par le paternel. Il y pige rien, d'ailleurs il ne fout pas grand-chose, mais ça paye le loyer et les sorties, et c'est tout ce qui compte. Et puis, il y a la sortie du soir avec les collègues. Minus ne les aime pas, mais trouve que les accompagner est une bonne manière de se foutre de leur gueule, un de ses passe-temps favori. Oui, Minus est un branleur dans toute sa splendeur, un inutile qui n'aime personne d'autre que lui et qui ne se met jamais à la place des autres. Minus a aussi une passion : les femmes. Enfin, ce qu'elles peuvent lui apporter comme plaisir. À peine usées, il les jette et ne les revoit pas. Faut pas déconner non plus. Et quand il ne lève personne, il y a toujours Internet et ses nombreux sites porno gratuits.

Et puis il y a Virginie. Une collègue. Qui en pince pour lui, c'est sûr. Du coup, Minus fait tout pour ne pas l'inviter, allant même jusqu'à draguer ouvertement d'autres femmes devant elle. Bah oui, on est con ou on l'est pas, et Minus l'est. Et puis un jour, Minus va réceptionner un colis à la place de son voisin Brutus, qu'il déteste mais qui fait une tête de plus que lui. Un énorme colis qui contient une poupée asiatique en latex. Du genre mignonne qui se laisse faire tout ce qu'on veut, absolument tout. Le réalisme est plutôt saisissant et les accessoires fournis nombreux. Y a du boulot…

La couverture annonce tout de suite la couleur : on est dans le bizarre, à la Mezzo et Pirus (à qui on doit l'exceptionnel Le roi des mouches). Et la lecture confirme rapidement cette impression. C'est juste en noir et blanc et un peu moins barré, mais pas moins malsain. Parce que Minus a quand même un grain. Le trait est volontairement forcé par Rica qui nous montre un certain type de gars qui existe bel et bien dans notre société, du genre à se croire au-dessus des autres, pour qui la nonchalance est une arme de séduction, qui en branle pas une mais sait se faire mousser… cherchez bien, je suis sûr que vous en connaissez au moins un autour de vous au bureau. Après, il a poussé le trait pour entrer dans cette intimité qui est généralement protégée, certainement parce qu'il n'y a pas grand-chose à protéger.

On aurait donc envie de haïr Minus, de lui coller des baffes dans le gueule et de le laisser pourrir dans le caniveau. Seulement, voilà, Rica en a quand même fait un personnage attachant. Si, si, je vous assure. On le vomit mais on l'aime bien. Il est cabochard mais on a envie de l'aider plutôt que de l'enfoncer. Pourtant, il ne semble pas avoir besoin de notre aide. Est-ce cela leur force, faire croire qu'ils ont besoin de nous alors qu'ils s'en foutent royalement ? Peut-être. Et, le pire, c'est qu'on se laisse tous avoir.

Le trait réaliste est de très bonne qualité. Les encrages sont forcés mais amène cette ambiance décalée nécessaire à la lecture. Le noir et blanc apporte aussi sa touche glauque et malsaine. En gros, tout est fait pour qu'on ne se sente pas forcément très bien à la lecture. Ça fonctionne. Et on en redemande. Bravo !