Brooklyn, 1944. Un petit garçon dort paisiblement dans son lit, son chien à ses pieds et ses jouets éparpillés dans la chambre. Soudain, la porte du placard s'ouvre en grinçant... Des tentacules sombres s'en échappent, et se saisissent de l'enfant. Le Croquemitaine a frappé et emmené sa proie dans son royaume, l'Obscur.
Dans la chambre vide de son propriétaire, les jouets du petit garçon s'animent et décident d'organiser son sauvetage. Une opération à haut risque puisque aucun des jouets qui se sont risqués dans l'Obscur n'a jamais été revu vivant. Pourtant, l'ours en peluche, la tirelire, le soldat de plomb, le canard en bois, l'indienne, la fée et le bouffon dans sa boîte passent la porte du placard pour porter secours à leur propriétaire. Une fois de l'autre côté, tous perdent leur forme première pour en trouver une autre : l'ourson devient un véritable ours aux griffes acérées, le bouffon un acrobate armé de haches... Et il leur faudra bien ça pour s'opposer aux armées du Croquemitaine.
Cette BD est une pure merveille ! Le scénario, classique et sobre, offre une belle plongée dans un monde qu'on est beaucoup à avoir rêvé de visiter un jour : le monde caché derrière la porte du placard de notre chambre d'enfant, là où se dissimulent nos jouets abandonnés et nos peurs les plus secrètes. Ici, ce royaume de l'Obscur mêle terreur et merveille, et on ne sait jamais quand le rêve va se transformer en cauchemar. L'étoffe des légendes commence un peu à la manière de Toy Story (les jouets d'un garçonnet prennent vie lorsqu'il a le dos tourné, et lui vouent une loyauté sans failles) pour sombrer rapidement dans un monde proche d'Alice au pays des merveilles, où l'on frôle même l'esthétique et l'atmosphère d'Alice : retour au pays de la folie, adaptation gore du chef-d'oeuvre de Lewis Carroll en jeu vidéo. On pense aussi à la série de comics Fables de Bill Willingham (Marvel Panini) où les personnages des contes de notre enfance se trouvent exilés dans un royaume qui n'appartient qu'à eux.
Les illustrations ne sont pas en reste : dans des tons ocres qui collent à la perfection à l'ambiance du scénario, Charles Paul Wilson III nous fait entrer dans un Obscur aussi fascinant que terrifiant. Les cases sont larges, le découpage dynamique, on multiplie l'alternance de gros plans et de scènes très détaillées, bref, c'est un vrai régal pour les yeux.
Un ouvrage entre conte et récit fantastique à découvrir absolument. Vivement la suite !