Les Chroniques de l'Imaginaire

La Désirade - Deniau, Jean-François

Dans ce roman écrit en 1988, Jean-François Deniau nous raconte le vie du pirate Nicolas-Jean Laffite. C'est un personnage historique qui est né aux alentours de 1785 à Bordeaux. On sait qu'il a écumé les Caraïbes et le Golfe du Mexique entre 1806 et 1821. Il a fondé la ville de Galveston au Texas. Il serait mort en 1823 ou 1826 selon les sources, en tout cas l'Histoire n'en a plus trace après cette date. Il est toujours très connu dans les Caraïbes et de multiples légendes circulent à son propos aujourd'hui encore.

Sur ce fond historique réel, Deniau écrit le roman de ce personnage. On fait sa connaissance au moment où il va être pendu par la marine française pour désobéissance à un supérieur. Il a dix-neuf ans. Il est sauvé in extremis par l'attaque d'un navire anglais au large du Yucatan.

Laffite s'enfuit dans la jungle. Il est sauvé par les Indiens qui le conduise vers leur Dieu, un vieux flibustier français qui règne sur la tribu. Il essaie d'initier le jeune homme à la façon de gouverner les Indiens car il veut en faire son successeur, mais Nicolas a d'autres rêves et s'enfuit. Le vieux pirate a voulu dans sa jeunesse ressusciter les Frères de la Côte et leur règles (La société des Flibustiers d'autrefois), mais il a échoué.

Après quelques péripéties Nicolas arrive à la Nouvelle Orléans, encore peu américanisée. Il devient corsaire et vole les voleurs, en attaquant les navires qui pratiquent la traite des Noirs. Il devient très riche et puissant. Il aime la fille du Gouverneur, a une liaison avec elle et lui fait un enfant. Le gouverneur lui demande de l'épouser, mais il n'a pas le courage de dire oui. Lorsqu'il comprend son erreur, c'est trop tard, il l'a perdue pour toujours.

Après quelques autres péripéties il est chassé de la ville et son immense fortune confisquée. Il s'installe à Galveston au Texas et repart de zéro. Il fonde une ville et refait fortune, mais cette fois il prend la précaution d'enterrer une partie de ses trésors. Il veut créer la Cité Idéale, mais son utopie sombre d'abord dans le ridicule, puis le fanatisme.

Au bout de dix ans la marine américaine vient à nouveau le déloger. Il détruit son bateau, La Désirade et s'installe sur le continent sous une fausse identité. Il est très riche, mais malheureux et n'a plus de rêve. Il erre de ville en ville sans trouver sa place. Il retrouve Cynthia son amour de jeunesse, mais celle-ci est mariée à un quincailler et ne le reconnaît même pas lorsqu'elle le croise dans la rue.

Nicolas se sent plus étranger que jamais ; il décide de retourner en Europe. Il rencontre des révolutionnaires, participe aux évènements de 1848 et finance la publication du Manifeste du parti communiste de Karl Marx. Puis revenu de tout, n'espérant plus rien, ayant perdu tous ses rêves il choisit de retourner mourir sur la côte du Yucatan là où son histoire avait commencé.

On trouve dans ce roman de nombreux thèmes chers à Deniau, qui se retrouvent d'un roman à l'autre, comme l'impossibilité des utopies , la façon d'administrer la justice, l'amour de la mer etc. Nicolas est un personnage très attachant qui perd de sa légèreté au fil des années avec ses illusions. Dans sa jeunesse il voulait la réputation, la puissance, l'argent et l'amour. Il veut bâtir une société idéale égalitaire, libre et fraternelle, mais il échouera à chaque fois. C'est finalement un livre très triste, l'histoire de l'échec d'un idéaliste, même s'il choisit une voix assez douteuse.