Les Chroniques de l'Imaginaire

Nocturne, les charmes de l'effroi (Nocturne, les charmes de l'effroi - 2)

Ce nouveau numéro de Nocturne, les charmes de l'effroi se penche cette fois sur le thème "Toiles et démence". Le nombre de pages reste sensiblement le même, mais la publication s'enrichit de quatre nouvelles supplémentaires par rapport au premier numéro, soit dix en tout. En revanche, il n'y a plus qu'une illustration pleine page. Si je perçois la raison du choix de ne pas augmenter le nombre de pages, il faut reconnaître que le plaisir de la lecture en pâtit. Nous passons d'un numéro aéré à une petite police aux interlignes serrées.

Heureusement, la qualité des nouvelles est toujours au rendez-vous.

Jungleries de Jonathan Reynolds : un homme obèse est mal dans sa peau. Il veut entrer dans un centre d'amusement mais on lui refuse l'accès car il n'accompagne pas d'enfants. Sa réaction témoigne d'un esprit dérangé. Je n'ai pas trop aimé cette nouvelle, qui survole le thème.

De l'importance du modèle de Salia Delha : l'auteure avait déjà prouvé ses talents dans le premier numéro. Elle nous fournit ici une nouvelle au dénouement inattendu et glaçant, avec l'histoire d'un peintre qui produit ses toiles d'après des cadavres humains.

Le retable d'Ar'Magraa de Marc Oreggia : une de mes nouvelles préférées, qui nous plonge dans un univers de fantasy et de drôlerie. Un magicien guérisseur est confronté à une toile maléfique, qui laisse s'échapper des créatures assoiffées du sang des villageois.

Le bourreau de Bartimée de Stéphane-Paul Prat : au 19è siècle, un homme reçoit d'un ami le portrait d'un soldat en uniforme, accompagné d'un mot expliquant l'origine de ce tableau. L'histoire est très bien écrite et prenante, un régal.

Célébrité express de David Basquaise : un peintre rêve de gloire et pense que s'il simule sa mort, il sera enfin un artiste reconnu. Une jolie nouvelle qui commence de façon très moderne et verse par la suite dans le fantastique.

Accouchement funeste de Hubert Vittoz : un peintre a l'étrange faculté de donner vie à ses oeuvres. Une nouvelle qui se lit bien mais s'oublie vite.

Les sentinelles de Tegenaria de Julie Conseil : voici une nouvelle qui m'a beaucoup plu. Un détenu récidiviste de l'évasion veut faire croire qu'il est fou pour être placé en hôpital psychiatrique. Malheureusement, là où on l'emmène, les chances d'évasion sont faibles, et la survie une règle. Le dénouement est imaginatif et effrayant, c'est très réussi.

Here I stand and face the rain de Frédéric Gaillard : ma nouvelle coup de coeur. Dans un musée, un bruit. C'est un personnage qui est sorti d'un tableau, et pas n'importe quel personnage, celui d'une célèbre toile de Munch, Le cri. Cet homme ne comprends pas pourquoi il déteint sous la pluie, pourquoi il a un goût de peinture dans la bouche, pourquoi des voitures avancent sans chevaux. Cette nouvelle a tout du dessin animé, avec une pointe de poésie tragique. Une merveille !

Le dernier cinéma sur la gauche de Nicolas Handfield : une nouvelle dédiée au Dieu Cinéma, dans lequel un homme habitué des sites de rencontres est sacrifié. C'est un texte assez étrange, je n'ai pas réussi à accrocher, la construction me semble trop bancale.

La mygale amoureuse d'Elsa Bouet : la seule nouvelle qui s'apparente à un polar, et avec brio. Un être araignée communique avec ses victimes sur des sites de rencontre avant de les dévorer. La nouvelle démarre sur un aspect fantastique mais le dénouement est bel et bien ancré dans la réalité.

Entoilé dans la démence de Michaël Moslonka : autant la chronique du premier numéro était pertinente, autant celle si n'est pas très cohérente avec le sujet. Pour faire simple, l'auteur accuse la société d'asservir les citoyens, et des les diriger vers la démence. Je ne suis pas du tout convaincue par son argumentaire.

Contrairement à ce à quoi je m'attendais, les auteurs se sont majoritairement dirigés vers la toile de la peinture, et il y a dans ce corpus d'excellentes nouvelles, qui se lisent avec un réel plaisir. Chacun fait preuve de beaucoup d'imagination, d'originalité, si bien que les textes sont très différents les uns des autres et forment un ensemble hétérogène. Si le fanzine continue sur cette lancée il me tarde de connaître les prochaines publications. Avec la même taille de police que dans le premier numéro, ce serait parfait.