Les employés de Mercandier Presse sont ébranlés par l'annonce de la vente de la société, puis de son achat par un homme d'affaires qui veut américaniser le management. Cette structure produit des magazines pour la jeunesse de A à Z, depuis la collaboration avec les auteurs jusqu'au choix des cadeaux gadgets distribués en complément. Comment leur travail va-t-il évoluer à présent ? Et surtout, vont-ils tous garder leur emploi ?
Avec ce roman Nathalie Kuperman dresse le portrait d'une nouvelle génération d'employés, celle pour laquelle la sécurité de l'emploi est une notion révolue et sur laquelle le ciel peut tomber à tout moment. Les salariés passent par une phase d'abattement, puis d'espoir. Peut-être le nouveau patron est-il prévenant après tout, soucieux des personnes qui vont désormais travailler pour lui ? Mais en fait on se rend vite compte que le patron n'est pas le réel problème. Comme le disait Thomas Hobbes, l'homme est un loup pour l'homme. Le souci de chacun devient son collègue. Certains essayent de tirer leur épingle du jeu, mais le jeu est dangereux et on peut vite se laisser prendre à son propre piège. La narration alterne entre la pensée collective, le choeur, et les pensées de chacun, qui convergent ou divergent selon les cas.
Cette mise à nu de la vie d'entreprise est terriblement effrayante mais malheureusement véridique. L'approche de cet état de fait par la fiction permet d'humaniser les protagonistes, révélant leurs failles, leurs doutes et leurs déceptions, et d'amoindrir ainsi la mesquinerie de leurs actes. La qualité du roman réside véritablement en la capacité de l'auteure à rendre le malaise palpable et à analyser la psychologie des hommes dans ce type de situation. Une jolie prouesse.