Lors de son séjour à Langford, chez les Manwaring, Lady Susan s'est attirée la haine de Mme Manwaring, d'une part en séduisant son beau mari, mais aussi en détournant de sa fille un prétendant sot mais fortuné, Sir James Martin. De ce fait, elle part s'installer pour une durée indéterminée à Churchill, chez le frère de son défunt mari, Charles Vernon. Assez rapidement arrive également le jeune Reginald de Courcy, beau-frère de Charles, prévenu contre Lady Susan, mais qui ne tarde pourtant pas à tomber sous son charme, au grand dam de ses parents.
On ne peut que tomber d'accord avec Pierre Goubert écrivant dans son excellente préface qu'il ne s'agit pas vraiment là d'un roman. Conte moral ? Sans doute. Peut-être comédie de moeurs, galerie de portraits certainement, avec les barbons compassés (Sir Reginald de Courcy, Mr Johnson), femmes légères (Mme Johnson, Lady Susan), femme trompée (Mme Manwaring), ingénue (Frederica Vernon), et jeunes premiers naïfs (Sir James Martin, Reginald de Courcy). Le seul personnage vraiment fouillé est en effet celui de Lady Susan, mais quel personnage ! Il est fascinant de voir combien cette femme parfaitement odieuse peut manipuler son entourage - masculin principalement - en usant d'une intelligence bien digne d'un meilleur emploi. Qu'elle ne lui en trouve pas de meilleur, justement, est la pire critique que l'on puisse faire à la société à laquelle elle appartient, et que décrit si finement son auteure.
Oeuvre de jeunesse de Jane Austen, ce court roman permet d'aborder cette auteure grâce à une histoire linéaire, facile à lire, mais qui en même temps est assez typique de son style. Le fait qu'elle soit présentée ici en édition bilingue permet accessoirement de tester sa capacité à lire Austen dans le texte, pour ceux qui hésiteraient à s'y attaquer.