Les Chroniques de l'Imaginaire

Philby - Portrait de l'espion en jeune homme - Littell, Robert

En 1933, un tout jeune Anglais arrive à Vienne, et déclare aux communistes locaux son désir de les aider à lutter contre le chancelier Dollfuss, contre Hitler, et pour la révolution. Et il le fait, effectivement. Au moment où ses camarades provisoires sont écrasés par le pouvoir en place, il épouse sa maîtresse, Litzi Friedman et rentre avec elle en Angleterre.

Attiré par le parti communiste en Angleterre, il est finalement recruté par le Centre de Moscou, le NKVD, les services d'espionnage soviétiques. Des années plus tard, en 1940, après avoir notamment couvert en tant que journaliste la guerre d'Espagne, du côté franquiste, il est recruté par le SIS, les services secrets britanniques, ce qui renforcera encore sa valeur aux yeux de Staline lui-même.

Le personnage, historique, de Kim Philby, est fascinant, par son engagement, par son mystère aussi, parce qu'il a très prudemment emporté dans sa tombe le secret de sa vie, s'il en avait un effectivement. En tout cas, il est évident à voir sa carrière qu'il était doté d'une intelligence et d'un sang-froid peu communs, pour avoir traversé cinquante ans de bouleversements mondiaux et mourir paisiblement juste avant la chute du Mur de Berlin.

Ce spécialiste du roman d'espionnage qu'est Robert Littell ne pouvait éviter de se pencher sur ce "traître" emblématique. Traître ? Voire ! Dans ce roman, l'auteur se fait le porte-parole de la théorie qui veut que, en fait, Philby ait toute sa vie été "piloté" par les services secrets britanniques, et justifie cette prise de position en postface. Ce sera bien sûr à chaque lecteur de se faire sa propre opinion, mais je ne peux m'empêcher de penser que cette théorie ne peut que séduire les occidentaux, en "effaçant" un échec retentissant.

Quoi qu'il en soit du fond, l'histoire est très bien racontée, par les différents personnages qui ont connu (ou étudié) Philby, avec de plaisantes différences de style. A ce propos, toutefois, je n'ai pas compris si ces personnages étaient historiques ou pas, ou si l'auteur les avait totalement ou partiellement inventés. Je trouve le titre français excellent. En effet, le titre d'origine Young Philby (littéralement : le jeune Philby) n'aurait pas forcément été évocateur d'emblée pour des francophones. Le titre choisi en français rend la même idée avec en plus une référence très pertinente au roman de James Joyce : il est hors de doute que Philby fut en effet un artiste et que l'allusion au "dédale" lui va bien aussi...