Les Chroniques de l'Imaginaire

Pierre Goldman, la vie d'un autre - Moynot, Emmanuel

19 décembre 1969, la pharmacie du 6 boulevard Richard-Lenoir est attaquée. La pharmacienne et sa préparatrice sont assassinées. Le 8 avril 1970, Pierre Goldman est arrêté pour ces meurtres. Il avouera différents braquages mais refusera de prendre sur lui les meurtres de ces deux femmes. Il ne donnera jamais non plus ses complices, quand il en avait, pas plus qu'il ne donnera le nom de celui qu'il sait l'avoir dénoncé.

Pierre Goldman était étudiant à la Sorbonne. Il était aussi militant d'extrême gauche. Il fit partie du service d'ordre de l'UEC et se battait régulièrement contre les membres d'Occident, un mouvement d'extrême droite dont Alain Madelin et Gérard Longuet étaient membres. Il partit aussi en Amérique du Sud pour rejoindre la guérilla communiste. Il eut beaucoup de facettes, mais une qui prédominait sur toutes les autres était son origine : Pierre Goldman était juif. Pas forcément croyant et pas pratiquant, mais juif. Ses parents étaient des juifs polonais qui furent persécutés parce que militants. Cela le marqua, et le forgea dans sa chair, dans son être.

Pierre Goldman fut condamné en 1974 à la prison à perpétuité. En 1976 son cas fut révisé et il fut acquitté. Mais cela ne se fit pas de manière simple. Il passa quand même six années en prison pendant lesquelles il passa des diplômes en espagnol, notamment. Marqué par l'Histoire, marqué par son histoire, Pierre Goldman avait des principes qui l'enfermèrent parfois dans un carcan rigide dont il ne pouvait se sortir. Et en 1979, il est assassiné.

Ce sont toutes ces facettes, toute cette histoire, qu'Emmanuel Moynot nous propose de visiter. Pierre Goldman, la vie d'un autre, est avant tout une bande dessinée. Une bande dessinée dont le trait en noir et blanc, qui pourrait paraitre "simple" de prime abord, se trouve être d'une grande justesse, d'un grand sens du détail et d'une grande observation. Cela se ressentira principalement dans les croquis que l'on trouve dans les entretiens qu'Emmanuel Moynot fit avec d'anciennes connaissances de Pierre Goldman. Avec un simple trait tout bête mais bien fait, Emmanuel Moynot nous montre une façade de bâtiment, un personnage célèbre ou une émotion avec une vérité qui m'a vraiment marqué. Je disais que ce volume était avant tout une bande dessinée, donc il n'est pas seulement cela. Comme évoqué, nous allons avoir des retranscriptions d'entretiens. Et, pour moi, le plus grand intérêt du livre se trouve ici. Non pas que le reste soit inintéressant, mais simplement ces entretiens nous éclairent sur l'époque, sur les personnages, sur le contexte, et cela nous plonge dans cette époque lointaine.

Même si Emmanuel Moynot, comme on le verra facilement, a fait un véritable travail de journaliste en plongeant dans cette aventure, il faut bien avouer qu'il vaut mieux avoir une sensibilité de gauche voire d'extrême gauche pour apprécier la lecture. Nous ne sommes pas dans un article de Minute, souvent cité, et donc le volume ne vise pas à les prendre dans le sens du poil. Outre ce parti pris, qui personnellement ne me dérange pas vraiment, ce livre est très bien fait et dénote d'un boulot énorme de documentation.

Je n'étais pas forcément très chaud au départ pour me lancer dans cette lecture mais je ne la regrette pas ; elle m'a passionné de bout en bout. Je ne pense pas que Pierre Goldman soit une personnalité que je puisse apprécier mais son parcours permet de mettre en avant notre société qui aime se gargariser de démocratie mais qui, finalement, a des méthodes sous-jacentes qui sont plus que douteuses, discutables et condamnables.