Mina a neuf ans et du bazar plein la tête. Elle vit seule avec sa mère depuis la mort de son père. Malgré - ou à cause de ? - sa grande intelligence, elle a été retirée de l'école, et sa mère lui assure à la maison une éducation qui fait la part belle à la rêverie, à l'imagination et à la créativité.
On a dans les mains le journal intime de Mina, un cahier où elle jette pêle-mèle ses mots, ses pensées, ses rêves, ses doutes, son enthousiasme, ses peurs... Poétiques et décousus, ses écrits suivent le fil de sa pensée sans se préoccuper d'une quelconque discipline. Au fil des pages, on découvre une enfant à l'intelligence et à la sensibilité aiguisées, qualités qui visiblement ne l'aident pas à s'intégrer dans le monde. Il faut dire que Mina est têtue, un peu arrogante, et ne laisse pas facilement tomber ses barrières... Elle évoluera au fil du récit, et c'est tant mieux, parce que j'avoue avoir eu du mal à m'attacher à elle au début du livre. Peut-être est-ce dû au style. Comme Mina est rêveuse et pleine d'enthousiasme, ses phrases sont bourrées de points d'exclamation, elle répète parfois sur une moitié de page un mot dont elle aime le sens ou le son, elle utilise beaucoup l'impératif... C'est touchant au début, et puis ça devient vite un peu agaçant. Mais Mina n'est qu'une enfant, elle a la tête dure et son intelligence la rend en apparence très sûre d'elle. Pourtant sa carapace va finir par se fissurer, et on percevra enfin son humanité et ses faiblesses. Ce sont ces passages qui m'ont touchée le plus. Ils apparaissent surtout dans les moments où Mina raconte des épisodes douloureux de sa vie à la troisième personne, comme pour prendre de la distance avec ce qu'elle a vécu.
Le message général de ce livre m'a beaucoup plu : amusez-vous, rêvez, créez, et ne laissez pas l'autorité vous dicter ce que vous avez à aimer ou à penser ! J'ai également beaucoup aimé les petits encards que Mina glisse après un chapitre, qui sont autant d'exercices qui trouveraient bien leur place dans un atelier d'écriture ("Ecrivez un poème qui répète un mot, répète un mot, répète un mot, répète un mot, jusqu'à ce qu'il perde pratiquement son sens" p. 101). En revanche, le caractère très fort de Mina rend sa plume arrogante, ce qui a failli me perdre dans le premier tiers du livre. Mais ce n'est qu'une question de sensibilité, et ce beau roman mérite quoi qu'il en soit qu'on s'y arrête.